BOUDDHISME (Histoire) Littératures et écoles bouddhiques
Le bouddhisme tardif ou tantrique
Le bouddhisme tardif, que l'on appelle tantrique – du nom donné à ses ouvrages principaux –, n'est pas essentiellement différent du Mahāyāna ; il n'est que le résultat de l'évolution de celui-ci, et tout particulièrement du développement de certains de ses aspects pratiques. Fermement fondé sur la doctrine de la vacuité et sur celle de la nature mentale du monde apparemment matériel, il en tire résolument les conséquences les plus extrêmes, en utilisant la plus grande variété de méthodes de méditation et de yoga, de rituel et de magie pour atteindre la lumineuse sérénité de la Délivrance. Cela explique les aspects paradoxaux ou choquants, voire scandaleux, de certaines de ces pratiques, ou sans doute, plus généralement, de l'expression qui en est donnée.
Cette évolution du bouddhisme trouve son parallèle dans l'hindouisme de la même époque, les deux religions employant des techniques analogues en les adaptant à leurs doctrines propres. Cette similitude aboutira peu à peu à une sorte de syncrétisme, puis à l'absorption du bouddhisme par l'hindouisme dans l'Inde orientale après le xve siècle.
La littérature canonique du bouddhisme tardif
Bien que des formules rituelles (mantra) et des formules « porteuses de science » (magique) (vidyādhāraṇī ) aient été souvent incluses dans des sūtra mahāyāniques, c'est seulement à partir du viie siècle que sont rédigés des ouvrages ou des recueils exposant méthodiquement les idées et surtout décrivant les pratiques propres à ce genre de bouddhisme. Comme la littérature du Mahāyāna, et pour les mêmes raisons, celle du bouddhisme tardif nous est parvenue en majeure partie dans ses traductions chinoise et tibétaine, et seulement en partie dans ses textes sanskrits originels.
Certains de ses ouvrages les plus anciens portent encore le nom de sūtra, car ils ont gardé la forme particulière des œuvres canoniques du Mahāyāna, mais leur enseignement est analogue à celui des tantra. C'est le cas du Mañjuśrīmūlakalpa, « Règle de conduite fondamentale du (bodhisattva) Mañjuśrī », conservé à la fois en sanskrit et en traductions chinoise et tibétaine, ainsi que du Mahāvairocana et du Vajraśekhara, ou « Crête de diamant », qui datent du viie siècle et traitent du culte du Buddha mythique Mahāvairocana et de l'union mystique avec lui ; ils nous ont été transmis tous les deux en version chinoise ; en outre, le premier existe en traduction tibétaine et le second en sanskrit.
Les autres œuvres principales du bouddhisme tardif portent le nom générique de tantra, emprunté à l'hindouisme. Elles décrivent en grand détail d'innombrables pratiques rituelles, règles de conduite et exercices de yoga menant à l'union mystique, plus exactement à l'identification avec un Buddha nommé Mahāvairocana, Heruka, Śambara ou autrement encore. Elles servent de base à l'enseignement ésotérique du symbolisme de ces pratiques, les Buddha en question n'étant autres que des personnifications imaginaires, créées par une intense concentration mentale, de la réalité ultime, et notamment de la vacuité. Ces tantra se présentent sous l'aspect de volumineuses collections d'ouvrages, différant entre elles par l'identité du Buddha dont elles recommandent le culte, ainsi que par le détail des règles et des exercices qu'elles décrivent.
Le plus ancien des tantra est sans doute le Guhyasamāja, ou « Rencontre du secret », car certains des ouvrages qui le composent remontent au viie siècle. Conservé en sanskrit et partiellement en traductions chinoise et tibétaine, il est centré, lui aussi, sur le Buddha Mahāvairocana, mais celui-ci y apparaît uni à des parèdres féminines, ce qui est un trait caractéristique des tantra. Existant à la fois en sanskrit et dans ses[...]
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Écrit par
- André BAREAU : professeur au Collège de France, chaire d'étude du bouddhisme
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