BOUDDHISME (Les grandes traditions) Bouddhisme japonais
La religion des clercs
Les moines étrangers
Le bouddhisme est une religion fondée sur une communauté monacale, le dernier des Trois Joyaux, chargée de conserver et de transmettre le Dharma, et d'assurer à ses membres un milieu propice aux pratiques de délivrance. Le cadre en est fourni par la discipline monastique à laquelle chaque moine s'engage lors de son ordination ; ce code disciplinaire (ritsu en japonais, vinaya en sanscrit) est commun au Petit et au Grand Véhicule, mais il connaîtra bien des vicissitudes au Japon, où le monachisme finira par prendre une forme très particulière.
La première communauté était formée de moines coréens : neuf furent envoyés de Paekche en 554 ; ils venaient de remplacer sept autres, qui se trouvaient donc au Japon avant eux ; cela implique qu'il existait des moines qui s'occupaient sans doute exclusivement des immigrés. En 577, six autres religieux arrivèrent, et c'est en 583 ou 584, à l'instigation de Soga no Umako, qu'eut lieu la première entrée en religion sur le sol japonais. Or il s'agissait de Shima, la propre fille de Shiba Tatto, immigré chinois que nous avons déjà mentionné, laquelle prit le nom religieux de Zenshin, ainsi que de deux autres filles d'immigrés. Elles se rendirent en 588 à Paekche pour y être régulièrement ordonnées. La première communauté japonaise fut donc formée de nonnes d'origine continentale et il faut sans doute voir là la marque d'une réticence des nobles autochtones à s'engager dans cette religion étrangère. Les moines coréens arrivèrent régulièrement au Japon au cours du siècle suivant et furent les premiers maîtres en bouddhisme des Japonais. La prononciation sino-japonaise traditionnelle utilisée encore actuellement dans la récitation des sūtra, le go.on, reflète certainement la prononciation coréenne de l'époque.
Mais, avec le début des ambassades en Chine, le rôle de la Corée comme intermédiaire du bouddhisme alla en s'amenuisant, encore que des Coréens eussent participé à la transmission d'écoles aussi importantes que le Hossō et le Kegon. Les Japonais préférèrent puiser directement aux sources chinoises, et les écoles de Nara et de Heian, jusqu'à la fin du ixe siècle surtout, mais plus tard aussi, virent se croiser les moines chinois qui venaient s'installer au Japon et les moines japonais qui allaient étudier en Chine. Le plus prestigieux de ces Chinois est certainement Ganjin (en chinois Jianzhen ; 688-763). Il arriva au Japon en 754 et son nom reste attaché à l'établissement d'une ordination fondée sur l'observance stricte du vinaya, contrairement à ce qui était le cas avant son arrivée, ainsi qu'à la fondation des trois centres officiels d'ordination (kaidan, le premier étant au Tōdai-ji) qui vont marquer l'apogée de l' école de la Discipline (Ris-shū) au Japon. Ganjin apportait aussi des traités de l'école Tendai (en chinois Tiantai), qui devait s'épanouir trois quarts de siècle plus tard, et il fut suivi par des disciples chinois qui allaient participer à son œuvre de propagation du bouddhisme. Déjà avant lui, Dōsen (en chinois Daoxuan, 702-760) avait introduit au Japon les doctrines de l'Avatamsaka (Kegon) et des pratiques de zen ; l'un de ses compagnons, Bodhisena, fut sans doute le seul Indien à fouler le sol japonais.
Même à distance, le bouddhisme chinois jouait un rôle dans les écoles japonaises : jusqu'à la fin du xe siècle, les moines japonais eurent coutume d'envoyer aux docteurs chinois des listes de questions délicates : les réponses de ces derniers, regroupées en livrets dits tōketsu (« élucidations chinoises »), faisaient référence. L'abandon de cet usage marqua le moment où les Japonais eurent conscience d'avoir atteint un niveau de connaissance qui leur permettait de progresser[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Noël ROBERT : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, section des sciences religieuses
Classification
Média
Autres références
-
ARHAT ou ARHANT
- Écrit par Jean-Christian COPPIETERS
- 308 mots
Le terme arhat ou arhant (de la racine arh, mériter), que l'on peut traduire par « saint », désigne dans le bouddhisme ancien le stade le plus élevé dans la progression religieuse pour les adeptes du Petit Véhicule, stade qui fait suite aux étapes de srotaāpanna, de sakrdāgāmin et d'anāgāmin....
-
ASIE DU SUD-EST (art et archéologie) - Les grands empires
- Écrit par Bernard Philippe GROSLIER
- 4 138 mots
- 5 médias
...comme sous le manteau de l'islam à Java. Sauf à Bali où, précisément, les beaux travaux de l'école hollandaise ressuscitent des archaïsmes fascinants. Le bouddhisme, lui, et par une curieuse symétrie inverse, fut chassé de l'Inde (sauf de Ceylan) mais est devenu en Birmanie, en Thaïlande, au Laos... -
AVALOKITEŚVARA
- Écrit par Marie-Thérèse de MALLMANN
- 672 mots
- 1 média
Le mot « Avalokiteśvara » vient du sanskrit ava, de haut en bas ; lokita, racine lok, voir, regarder ; īśvara, seigneur, maître, donc « Seigneur qui regarde d'en haut », sous-entendu « avec commisération » ; il est appelé aussi Lokeśvara (loka, monde visible, īśvara). La...
-
BAREAU ANDRÉ (1921-1993)
- Écrit par Bernard FRANK
- 853 mots
André Bareau a été la totale incarnation des vertus que requiert l'étude approfondie du bouddhisme et de celles qu'elle est susceptible d'apporter en retour. Né en 1921 à Saint-Mandé, il passa à dix-sept ans le concours de l'école normale d'Auteuil et s'y prépara au métier d'instituteur, mais son attirance...
- Afficher les 62 références