BOUDDHISME (Les grandes traditions) Bouddhisme japonais
La religion du peuple
Les moines et la dévotion populaire
On peut trouver la trace, depuis l'époque la plus reculée, de moines japonais ou d'origine immigrée qui exerçaient leurs activités à l'écart des communautés monastiques ; comme ils étaient presque des magiciens thaumaturges, leur prestige était d'autant plus grand parmi le peuple et ils furent à l'origine de courants importants de bouddhisme « parallèle » ou semi-clandestins que les pouvoirs constitués cherchèrent toujours à circonscrire. C'est ainsi que l'on trouve mention dès 587 d'un « maître du Dharma de Toyokuni » (Toyokuni no Hōshi), invité à la cour pour guérir l'empereur Yōmei. On ne sait rien de lui par ailleurs et il faut sans doute voir en lui une sorte de demi-sorcier taoïsant aussi bien que bouddhiste qui exerçait dans les milieux populaires ou immigrés.
Gyōki (668-749), religieux de l'école Hossō, surnommé le Bodhisattva, choisit aussi de répandre dans le peuple non seulement la doctrine, mais encore les bienfaits sociaux du bouddhisme ; on lui attribue la construction de ponts, de dispensaires, de foyers d'accueil, de réservoirs, etc. Les autorités cherchèrent à plusieurs reprises à limiter ses activités de prédication. Tenu pour une incarnation du bodhisattva Manjusri, il fut dans l'histoire japonaise souvent pris comme modèle du religieux ordonné selon le « commandement de bodhisattva » par ceux qui s'opposaient à l'ordination fondée sur le vinaya du Petit Véhicule. On retrouve quelques-uns de ces traits chez Kūya (ou Kōya ; 903-972), surnommé le Saint des marchés, qui consacra la première partie de sa vie aux mêmes bonnes œuvres que Gyōki et surtout répandait parmi le peuple la pratique du nenbutsu. Admis ensuite dans l'école Tendai, il orienta dès lors ses efforts vers la noblesse, mais le « nenbutsu dansé » (odori-nenbutsu) qu'il avait propagé par les villes fut repris et diffusé avec enthousiasme à l'époque de Kamakura par Ippen shōnin (Chishin ; 1239-1289), fondateur de la secte Ji-shū, dont les pratiques d'invocations dansées collectives d'Amida furent extrêmement populaires. Trop sans doute, car ce mouvement fut incorporé au Jōdō shinshū pendant Muromachi. Des religieux de ce genre se retrouvent dans toute l'histoire japonaise et on les reconnaît souvent à l'épithète de « saint » (hijiri) qui leur est donné dans le peuple. Ils purent même former de véritables groupes, tels ces « saints du mont Kōya » (Kōya-hijiri), moines itinérants semi-laïques qui se répandirent dans le Japon à partir du xie siècle et contribuèrent, d'une part, à propager le nenbutsu dans le Shingon et, de l'autre, à populariser les pèlerinages au mont Kōya.
Le syncrétisme shintō-bouddhique
Lorsque le bouddhisme fut transmis au Japon, on ne vit d'abord dans les différents buddha que l'équivalent des divinités traditionnelles japonaises et on les appela d'ailleurs « kami de Chine », plaçant ainsi les deux entités sur le même plan. Si ce fut la cause des premières confrontations, il est hors de doute que cette assimilation facilita aussi grandement l'implantation de la nouvelle religion. Le mouvement ne s'arrêta pas ; au contraire, il fut systématisé et s'étendit dans tous les milieux, gagnant les monastères bouddhiques comme les temples shintō, pour former ce courant religieux que l'on nomme syncrétisme shintō-bouddhique (shinbutsu konkō) et qui contribua à enraciner définitivement le bouddhisme dans la religiosité japonaise. Dès le viie siècle furent construits dans les jinja, sanctuaires shintō, des chapelles où l'on rendait un culte aux kami selon le rituel bouddhique (jingū-ji), de même que l'on prit l'habitude de réciter des sūtra lors des offices shintō. À l'époque Heian se[...]
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Écrit par
- Jean-Noël ROBERT : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, section des sciences religieuses
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Média
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