BOUDDHISME (Les grandes traditions) Bouddhisme japonais
La présence du bouddhisme dans la langue et la littérature
À la différence de la Chine et de la Corée, où le bouddhisme, cédant le pas au confucianisme d'État, cessa d'être une composante importante de la vie culturelle et où l'affaiblissement, voire la quasi-disparition du clergé, rendit impossible toute action suivie d'éducation religieuse populaire avant la renaissance du xxe siècle, la continuité remarquable de la communauté bouddhique au Japon permit une pénétration en profondeur, dans le peuple, des idées qu'elle véhiculait. L'ampleur de la diffusion du bouddhisme se manifeste, bien entendu, dans l'art et l'architecture, mais aussi à tous les niveaux de la littérature et de la langue et, par voie de conséquence, dans la mentalité nationale, au point que, bien souvent, les Japonais « font » du bouddhisme sans le savoir. Avant d'évoquer la présence de celui-ci dans la langue, nous évoquerons trois genres littéraires qui en furent, à notre sens, des moyens privilégiés de propagation dans de plus larges couches de la population. Il est naturellement impossible d'évoquer ici la littérature scolastique à proprement parler, dont le caractère hautement spécialisé en a restreint la diffusion, si l'on excepte quelques grandes œuvres déjà évoquées, aux cercles monastiques et lettrés.
Les « setsuwa »
Les setsuwa sont littéralement des « contes [transmis par] récitation », consignés par écrit et rassemblés en recueils, le plus souvent par les soins de religieux, mais leur transmission orale avait pu s'effectuer dans des milieux fort divers, en partie populaires, car le caractère folklorique en est parfois très marqué. Si les premiers recueils furent rédigés dans le style sino-japonais savant (kanbun), la nature même du public plus étendu auquel ils s'adressaient fit que ces contes édifiants furent ensuite rédigés le plus souvent en japonais, non pas dans le japonais épuré de la littérature courtoise, mais dans une langue plus naturelle qui n'évite pas le vocabulaire d'origine chinoise (kango) et qui se révèle être l'ancêtre direct du style écrit moderne. Le plus ancien recueil transmis est le Nihon ryō.i ki ou « Livre des manifestations surnaturelles du Japon », rédigé en style sino-japonais au début de la période de Heian ; l'auteur, un moine du nom de Keikai (ou Kyōkai), se proposait d'illustrer par des exemples japonais la doctrine bouddhique de la rétribution des actes et la puissance miraculeuse des buddha. Il confirme, dans une notice, qu'il a puisé dans la tradition orale et s'intéresse aux moines thaumaturges révérés par le peuple. Mais le monument le plus imposant relevant de ce genre est sans contredit le Konjaku monogatari (dont une partie a été traduite en français par B. Frank sous le titre Histoires qui sont maintenant du passé), énorme compilation de plus de mille cents récits remontant au début du xiie siècle. D'auteur inconnu, l'ouvrage est divisé en trois parties principales regroupant les contes concernant l'Inde, la Chine et le Japon ; son style japonais relativement aisé, malgré un vocabulaire fortement sinisé, en fit une véritable encyclopédie narrative largement répandue, si l'on en juge d'après le nombre de manuscrits anciens conservés où les générations postérieures trouvèrent une riche matière constamment reprise et remaniée jusqu'à l'âge moderne. L'époque Heian a laissé, en outre, une riche littérature de setsuwa dont les principaux recueils sont le Sanbō e-kotoba (qui, datant de la fin du xe s., reflète les doctrines du Tendai et s'adresse à un public aristocratique), le Honchō Hokke genki (qui est du milieu du xie s. et relate les miracles effectués par le Sūtra du Lotus au Japon, à l'imitation d'ouvrages analogues en provenance de[...]
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Écrit par
- Jean-Noël ROBERT : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, section des sciences religieuses
Classification
Média
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