BOUDDHISME (Les grandes traditions) Bouddhisme tibétain
Écoles et doctrines
Comme dans le bouddhisme indien, plusieurs écoles se constituèrent au Tibet, mais leur différenciation dépend plutôt de facteurs historiques que de distinctions doctrinales, qui ne s'affirmèrent que peu à peu : au départ, il ne s'agissait que de disciples groupés autour d'un maître, qui recevaient puis transmettaient à leur tour les enseignements et pratiques que leur maître avait lui-même directement reçus de ses maîtres indiens. Cela vaut pour les écoles qui se constituèrent à l'époque de la deuxième diffusion du bouddhisme (à partir du xie siècle) et reçurent le nom global de « nouvelles » (gsar-ma-ba). Par réaction, les adeptes qui maintinrent la validité de la tradition tibétaine ancienne, transmise par des maîtres indiens invités par le roi Khri-srong Idebtsan : Padmasambhava, Vimalamitra prirent ou reçurent le nom d'« anciens » (rNying-ma-pa). Bien qu'il soit toujours présenté comme une religion à part, même par les Tibétains, le Bon doit aussi être compté dans les écoles du bouddhisme tibétain : l'école Bon-po qui se réclame de son fondateur, le maître gShen-rab, de la même manière que les rNying-ma-pa se réclament de Padmasambhava, apparaît comme un deuxième courant dans la tradition « ancienne », qui s'individualise à partir du xie siècle.
Le sectarisme des écoles crût avec le temps, allant parfois jusqu'à des persécutions religieuses de la part de l'école politiquement dominante. Mais le sectarisme, source d'ouvrages polémiques souvent virulents, est présent dès l'introduction du bouddhisme au Tibet, et contrebalancé par une propension simultanée à l'éclectisme. Celle-ci devait s'épanouir au xixe siècle dans un mouvement qui se baptisa lui-même « éclectique » (ris-med), et qui voulait réconcilier toutes les tendances en s'appuyant sur leur fonds commun : le bouddhisme indien.
En ce qui concerne la doctrine, toutes les écoles, en effet, déclarent officiellement adhérer au Madhyamaka, même si leurs positions combinent celui-ci avec le Vijñaptimātratā (pour le contenu de ces termes, cf. supra bouddhisme-Bouddhisme indien), telles les écoles rNying-ma-pa et Jo-nang-pa, ou certaines traditions bKa'-brgyud-pa. Toutes aussi adoptent la gradation, introduite au Tibet par Atisha, des Véhicules (ou voies de salut) selon les capacités intellectuelles et spirituelles des adeptes, gradation qui permet de ne rien exclure de la tradition indienne : le Hīnayāna est destiné aux êtres de capacités moyennes, le Mahāyāna aux êtres de capacités élevées, le Tantrayāna (ou Vajrayāna) aux êtres de capacités supérieures. En fait, au niveau de la doctrine, les divergences ne correspondent pas à des oppositions dogmatiques entre une école et une autre, mais plutôt à des interprétations différentes des mêmes termes : vacuité, esprit, délivrance... par des savants appartenant parfois à la même école.
Les particularités de chaque école s'affirment surtout au niveau des tantra et de leur pratique. Mais, là encore, bien souvent une terminologie différente recouvre une réalité finalement identique, celle de l'expérience mystique. Chaque école privilégie la propitiation d'une divinité protectrice particulière (yi-dam) et pratique donc de préférence le tantra ou le cycle tantrique propre à cette divinité. Mais, s'agissant d'expériences mystiques, les méthodes d'approche de la vérité ultime sont multiples, qui ont été révélées au cours des âges à des maîtres, d'abord indiens puis tibétains, et transmises fidèlement par la chaîne ininterrompue de maître à disciple : aussi vaudrait-il mieux parler de traditions propres à chaque lignée spirituelle, sans cloisonnement très étanche entre les écoles, un adhérent de l'une pouvant très bien prendre comme [...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Anne-Marie BLONDEAU : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, section des sciences religieuses (religions tibétaines), responsable de l'U.A. 1229 du C.N.R.S. (langues et cultures de l'aire tibétaine)
Classification
Médias
Autres références
-
ARHAT ou ARHANT
- Écrit par Jean-Christian COPPIETERS
- 308 mots
Le terme arhat ou arhant (de la racine arh, mériter), que l'on peut traduire par « saint », désigne dans le bouddhisme ancien le stade le plus élevé dans la progression religieuse pour les adeptes du Petit Véhicule, stade qui fait suite aux étapes de srotaāpanna, de sakrdāgāmin et d'anāgāmin....
-
ASIE DU SUD-EST (art et archéologie) - Les grands empires
- Écrit par Bernard Philippe GROSLIER
- 4 138 mots
- 5 médias
...comme sous le manteau de l'islam à Java. Sauf à Bali où, précisément, les beaux travaux de l'école hollandaise ressuscitent des archaïsmes fascinants. Le bouddhisme, lui, et par une curieuse symétrie inverse, fut chassé de l'Inde (sauf de Ceylan) mais est devenu en Birmanie, en Thaïlande, au Laos... -
AVALOKITEŚVARA
- Écrit par Marie-Thérèse de MALLMANN
- 672 mots
- 1 média
Le mot « Avalokiteśvara » vient du sanskrit ava, de haut en bas ; lokita, racine lok, voir, regarder ; īśvara, seigneur, maître, donc « Seigneur qui regarde d'en haut », sous-entendu « avec commisération » ; il est appelé aussi Lokeśvara (loka, monde visible, īśvara). La...
-
BAREAU ANDRÉ (1921-1993)
- Écrit par Bernard FRANK
- 853 mots
André Bareau a été la totale incarnation des vertus que requiert l'étude approfondie du bouddhisme et de celles qu'elle est susceptible d'apporter en retour. Né en 1921 à Saint-Mandé, il passa à dix-sept ans le concours de l'école normale d'Auteuil et s'y prépara au métier d'instituteur, mais son attirance...
- Afficher les 62 références