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BOUDDHISME (Les grandes traditions) Bouddhisme tibétain

Croyances et pratiques populaires

Moulin à prières, Népal - crédits : Avatar_023/ Shutterstock

Moulin à prières, Népal

Bien que les laïcs aient eu la possibilité de prononcer le vœu de la Pensée de l'Éveil et celui des tantra, et que certains se soient engagés sur cette voie, la majorité laissait aux spécialistes tout ce qui relève de la spéculation métaphysique ou de la liturgie, et se contentait d'une foi vivace mais élémentaire, où les grandes notions du bouddhisme se combinaient avec les croyances ancestrales. Le principe bouddhique le plus profondément enraciné dans le peuple est celui du karma (las, rétribution des actes) qui conditionne l'existence présente et les renaissances à venir ; cette croyance entraîne une sorte de fatalisme tout à fait frappant devant les vicissitudes de la vie. En même temps, elle conduit à une série d'actes destinés à accumuler des mérites pour obtenir une meilleure renaissance, jusqu'à la délivrance dans un paradis, et non l'extinction complète du nirvāṇa. Parallèlement, la crainte de tomber dans l'un des enfers est forte, avivée par les descriptions et peintures qui en sont faites. La dévotion s'adresse moins au Buddha Shākyamuni qu'aux buddha et bodhisattva avec une piété toute particulière envers Avalokiteśvara, considéré, depuis le xiie siècle au moins, comme le patron spécifique du Tibet. Son mantra, la célèbre formule en six syllabes om maṇi padme hūṃ, est égrené sans fin sur le rosaire qui ne quitte pas le Tibétain, répété dans le tournoiement des moulins à prière actionnés par le passant ou le courant de l'eau, gravé sur les rochers ou des pierres empilées.

La pratique populaire peut se résumer dans la dévotion envers les trois aspects des buddha : corps, parole, pensée, symbolisés respectivement par les images et statues, les livres, les stūpa (mchod-rten) et temples. Elle se manifeste dans le culte journalier rendu à l'autel familial par le père de famille : renouvellement de l'eau des coupelles d'offrande... À l'extérieur, elle se manifeste par la circumambulation autour des stūpa qui jalonnent les chemins, la mise en branle des moulins à prière, les pèlerinages, proches ou lointains. Entièrement intégrés à ces croyances et pratiques relevant du bouddhisme le plus orthodoxe, on trouve des éléments absents du bouddhisme indien tel qu'il est parvenu à notre connaissance, que l'on peut rattacher au fonds prébouddhique : crainte des « revenants » ('dre), dont il existe de nombreuses catégories ; multitude et importance des dieux du sol, et survivance du culte voué aux divinités-montagnes ; divinités personnelles résidant sur les diverses parties du corps, dieux de la maison – protecteur de la lignée mâle (pho-lha), auquel les hommes rendent un culte quotidien de fumigations ; dieu de l'intérieur (phug-lha), vénéré par les femmes dans le pilier principal de la cuisine ; dieu du foyer (thab-lha)... La nomenclature en est presque sans fin. Pour s'attirer leur faveur, pour écarter les malheurs qu'ils provoquent s'ils sont offensés, ou pour les réparer, les laïcs font appel à des spécialistes, religieux ou non, qui utilisent des techniques prohibées théoriquement par le bouddhisme : divination, dont il existe de nombreux systèmes, prise de possession de médiums. Certains de ces médiums, de très haut rang, étaient patronnés officiellement par le gouvernement, pour qui ils faisaient fonction d'oracle d'État.

Le bouddhisme, capable de s'adapter aux différents contextes socioreligieux qu'il rencontrait, s'est révélé au Tibet être un extraordinaire instrument de culture, envahissant et façonnant tous les domaines de l'activité humaine : art, littérature, vie quotidienne... En même temps, il s'est chargé d'éléments nouveaux dans ses développements dogmatiques comme dans son panthéon et ses cultes. Un phénomène similaire se déroule actuellement[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, section des sciences religieuses (religions tibétaines), responsable de l'U.A. 1229 du C.N.R.S. (langues et cultures de l'aire tibétaine)

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Médias

Relief de Bouddha, monastère Amarbayasgalant - crédits : H. Christoph/ ullstein bild/ Getty Images

Relief de Bouddha, monastère Amarbayasgalant

Monastère de Tashilhunpo, Tibet - crédits : Jane Sweeney/ robertharding/ Getty Images

Monastère de Tashilhunpo, Tibet

Trompe tibétaine - crédits : Bushnell/ Soifer/ Getty Images

Trompe tibétaine

Autres références

  • ARHAT ou ARHANT

    • Écrit par
    • 308 mots

    Le terme arhat ou arhant (de la racine arh, mériter), que l'on peut traduire par « saint », désigne dans le bouddhisme ancien le stade le plus élevé dans la progression religieuse pour les adeptes du Petit Véhicule, stade qui fait suite aux étapes de srotaāpanna, de sakrdāgāmin et d'anāgāmin....

  • ASIE DU SUD-EST (art et archéologie) - Les grands empires

    • Écrit par
    • 4 138 mots
    • 5 médias
    ...comme sous le manteau de l'islam à Java. Sauf à Bali où, précisément, les beaux travaux de l'école hollandaise ressuscitent des archaïsmes fascinants. Le bouddhisme, lui, et par une curieuse symétrie inverse, fut chassé de l'Inde (sauf de Ceylan) mais est devenu en Birmanie, en Thaïlande, au Laos...
  • AVALOKITEŚVARA

    • Écrit par
    • 672 mots
    • 1 média

    Le mot « Avalokiteśvara » vient du sanskrit ava, de haut en bas ; lokita, racine lok, voir, regarder ; īśvara, seigneur, maître, donc « Seigneur qui regarde d'en haut », sous-entendu « avec commisération » ; il est appelé aussi Lokeśvara (loka, monde visible, īśvara). La...

  • BAREAU ANDRÉ (1921-1993)

    • Écrit par
    • 853 mots

    André Bareau a été la totale incarnation des vertus que requiert l'étude approfondie du bouddhisme et de celles qu'elle est susceptible d'apporter en retour. Né en 1921 à Saint-Mandé, il passa à dix-sept ans le concours de l'école normale d'Auteuil et s'y prépara au métier d'instituteur, mais son attirance...

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