BOULANGISME
C'est la première crise et la plus grave du régime républicain français entre 1886 et 1889. Le boulangisme dépasse par ses causes et par ses conséquences la personne même du général Boulanger. À l'origine des troubles qui pendant trois ans ébranlèrent la République, on trouve des causes à la fois rationnelles et irrationnelles : dégradation politique et mécontentement dus à l'instabilité ministérielle, phénomène ancien et pourtant renouvelé du nationalisme. S'ajoutent à ces causes lointaines l'augmentation du chômage dans le bâtiment et dans le textile, et la crise nouvelle de l'agriculture. À droite, l'hostilité politique de ceux qui s'opposent encore à la République se réveille. De la gauche à l'extrême gauche, la morosité à l'égard des institutions républicaines devient animosité. Six cent mille voix au bénéfice des républicains ne donnent pas une majorité unie : républicains, radicaux et opportunistes s'opposent, et l'instabilité ministérielle devient une habitude de gouvernement. Les modérés pratiquent l'alternance, ce qui leur permet de diriger les coalitions successives. Le vieux fonds d'antiparlementarisme se réveille : les noms et les actes des républicains en poste parlent peu au cœur et à l'imagination. À l'automne de 1887, le scandale éclate ; Wilson, le gendre du président de la République Jules Grévy, est convaincu de trafic d'influence, ce qui entraîne la chute de ce dernier ; et l'affaire rejaillit sur le régime. Le boulangisme apparaît comme l'acte de naissance du nationalisme politique, comme un mouvement d'opposition aux hommes, qui devient aussitôt une opposition au régime. On assiste à une mutation profonde du sentiment national liée à une crise de l'esprit public.
L'école de Jules Ferry, qui ailleurs divise, ici unit dans un même amour de la patrie, blessée depuis 1871. Il n'y a pas encore d'antimilitarisme. L'aventure boulangiste lie pour la première fois l'institution militaire à l'ambition politique. Le boulangisme va faire du patriotisme un des fondements de la vie politique à droite ; mais on le trouve aussi à gauche et à l'extrême gauche. Les radicaux n'aiment ni le goût du pouvoir chez les opportunistes ni leur politique. Clemenceau fait de Georges Boulanger (1837-1891) le ministre de la Guerre de Freycinet, en janvier 1886. C'est le premier des généraux républicains de la vie politique française ; général social, il s'intéresse au troupier ; général républicain, il raye des cadres le duc d'Aumale. Le boulangisme populaire se nourrit d'un sens du geste, d'un mot heureux d'un homme de revue. La popularité du général Boulanger est, au début, nationaliste et jacobine. En mai 1887, le gouvernement dont il fait partie tombe. Le boulangisme devient antiparlementaire. Une démonstration de rue accompagne l'exil de Boulanger à Clermont-Ferrand en juillet 1887. Le boulangisme est alors à mi-chemin de la ligue et du mouvement politique. À la partie autoritaire des radicaux et aux bonapartistes se joint la droite monarchiste pour soutenir ce mouvement. Le comte de Paris, chef de la maison de France, parle à l'automne de 1887 de pacte national et de démocratie. En mars 1888, le général est mis à la retraite anticipée, mais il est toujours éligible. Son état-major politique propose une plate-forme électorale : dissolution, constituante, révision. L'unité des partisans disparates du général Boulanger se fait dans l'équivoque. Les élections partielles en accentuent l'aspect plébiscitaire, que le mouvement recherche pour faire pression sur le gouvernement : triomphes électoraux en France en 1888 ; triomphe électoral à Paris le 27 janvier 1889.
Les trois cinquièmes des électeurs ont voté pour Boulanger.[...]
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Écrit par
- Armel MARIN : metteur en scène, conseiller en éducation populaire et techniques d'expression
Classification
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