BOURBONS
L'avènement d'Henri IV et le problème de la légitimité
Le 1er août 1589, le couteau du dominicain Jacques Clément met fin à la dynastie des Valois. La dévolution de la couronne est prévue par les lois fondamentales du royaume qui forment la constitution coutumière de l'État. Guy Coquille dans son Institution au droit des Français (1607) les définit ainsi : « Cette monarchie donc, establie par les anciens roys français saxons, a esté gouvernée par certaines lois qui, pour la plupart, n'ont esté écrites, pour ce que les anciens Français, grands guerriers et bons politiques, s'adonnaient plus à faire et à bien faire, que à dire ny à escrire. Aucunes [certaines] des dictes lois se trouvent escrites ès constitutions anciennes de nos roys. Les autres se trouvent aussy escrites ès livres coutumiers des provinces... »
Le problème de la légitimité
Les Français du xviie siècle ne conçoivent pas l'État comme une réalité abstraite, mais comme un tout organique, comme un corps vivant : un corps mystique. Le même Guy Coquille écrit que « le roy est le chef et le peuple des trois ordres sont les membres et tous ensemble font le corps politique et mystique, dont la liaison et union est individue et inséparable et ne peut une partie souffrir mal que le reste ne s'en sente et souffre douleur... »
Cette idée du corps mystique de la société et de l'État s'accompagne d'un principe général présidant à l'ordre du cosmos. L'univers est construit selon le principe d'inégalité et de hiérarchie. « Nature a voulu en chacune espèce une prééminence : aux astres, le Soleil ; entre les éléments, le feu ; entre les métaux, l'or ; entre les animaux à quatre pieds, le lyon ; entre les oiseaux, l'aigle » (Poisson de la Bodinière, Traité de la majesté royale en France, 1597). Cette hiérarchie culmine à Dieu dans l'ordre surnaturel et à la personne royale dans la société terrestre. Monarchie absolue ne signifie d'ailleurs pas despotisme. Bien au contraire. La France possède une « monarchie royale » où le souverain n'a pas la propriété des biens ni des personnes de ses sujets, à l'inverse des pays d'Orient soumis à la tyrannie des « monarchies seigneuriales » où l'on ne connaît pas de sujets, mais des esclaves. En France, la puissance du souverain est limitée de trois manières : par les lois de Dieu, par celles de la justice naturelle et par les lois fondamentales de l'État. Il faut y joindre les « libertés », c'est-à-dire les privilèges des corps et communautés.
Le roi ne peut modifier ces lois fondamentales. Elles consistent d'abord dans le mode de dévolution de la couronne, qui doit se faire de mâle en mâle par ordre de primogéniture, les parents par les femmes étant exclus de la succession. Depuis la fin du xive siècle, la loi salique est invoquée pour légitimer cette forme de transmission. En fait, chez les Germains, cette loi ne valait que pour les biens ordinaires et non pour la couronne, mais elle avait permis, à l'époque de la guerre de Cent Ans, d'expliquer le rejet des candidatures anglaises au trône de France. Des adages avaient consacré cette coutume : « Le royaume ne tombe point en quenouille, ores que les femmes soient capables de tous autres fiefs » (Loisel) ou encore « Les lys ne filent point » (interprétation de Matth., vi, 28).
Comme on disait encore, la monarchie française était « une souveraineté parfaite, à laquelle les états [généraux] n'ont aucune part ; successive, non élective, non héréditaire purement, ni communiquée aux femmes, mais déférée au plus proche mâle, par la loi fondamentale de l'État ».
Le roi, par ailleurs, ne peut disposer librement de sa couronne. Il n'a pas la propriété de la monarchie. Il n'en a que l'administration sa vie durant.[...]
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Écrit par
- Yves DURAND : chargé d'enseignement à la faculté des lettres et sciences humaines de Nantes
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