BOURGEOISIE FRANÇAISE
Si le mot « bourgeois » apparaît dans les textes dès le xie siècle, ce n'est vraiment qu'au xiiie qu'il commence à désigner une classe sociale particulière : celle que forment les détenteurs des fortunes essentiellement mobilières (commerçants, industriels, manieurs d'argent) et les membres des professions libérales. C'est à cette époque aussi que la bourgeoisie, récemment enrichie par le développement du grand négoce, fait son entrée dans la vie politique. Contre la noblesse indocile, elle sera pendant de longs siècles l'alliée de la monarchie. C'est dans ses rangs que celle-ci recrutera ses principaux commis, de Guillaume de Nogaret à Jean-Baptiste Colbert ; parallèlement, c'est elle surtout qui tirera profit des interventions royales en matière économique.
Cette alliance, qui ne sera guère remise en cause qu'au xviiie siècle, aura de profondes répercussions sur le développement de la production en France. Par la vénalité des offices et par les possibilités d'anoblissement que conférait la possession de ceux-ci, elle contribuera à détourner vers des activités administratives et politiques non seulement les énergies, mais aussi les capitaux de la classe la plus dynamique, ce qui explique en partie le retard pris par la France lors de la première révolution industrielle. En même temps, les pratiques dirigistes de la monarchie habitueront les industriels français à considérer comme un droit l'aide et la protection de l'État.
C'est sans doute pourquoi le xixe siècle, siècle de la bourgeoisie triomphante, sera aussi celui où la centralisation politique et administrative atteindra une intensité sans précédent dans l'histoire de France.
L'essor de la bourgeoisie médiévale
C'est en l'an 1007, (dans l'état actuel de la documentation) que le terme apparaît pour la première fois dans une charte, sous sa forme latine : burgensis. Mot nouveau qui désigne un personnage également nouveau dans la société d'alors, burgensis est souvent synonyme de mercator, « marchand » ; le personnage ainsi nommé réside dans les villes, et c'est à son intention et sur ses instances, parfois exprimées sans ménagement, que sont promulguées les chartes de franchise ou déclarées les communes, c'est-à-dire les villes dans lesquelles les habitants se sont liés par serment pour échapper à la tutelle du seigneur laïque ou ecclésiastique. Autrement dit, l'histoire de la bourgeoisie à son origine est celle de la renaissance du commerce en Occident, de l'expansion des villes, du mouvement communal. Cette première période qui s'étend sur environ trois cents ans, de la fin du xe à la fin du xiiie siècle, coïncide avec la pleine maturité de la société féodale ; elle se caractérise par les créations de villes, animées par le grand commerce à forme itinérante et par les foires périodiques (de Flandre, d'Île-de-France, mais surtout de Champagne), qui sont l'occasion d'un trafic intense portant sur des denrées très diverses, des fourrures de Russie aux parfums et aux épices d'Extrême-Orient.
Une évolution est sensible dès la fin du xiiie siècle dans l'histoire des villes et des bourgeois qui les peuplent. Beaucoup de cités sont le théâtre de luttes à caractère social ; les plus anciennement attestées se sont manifestées à Abbeville en 1232, à Beauvais en 1233, à Douai en 1245, à Paris en 1250 ; dans la plupart des villes, une scission s'est opérée entre riches et pauvres et l'on constate que, dans les écrits du temps, le terme « bourgeois » implique dès lors une certaine aisance et la possession de droits ou de biens immeubles sur le terroir de la cité.
Les premiers capitalistes
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Écrit par
- Régine PERNOUD : archiviste paléographe, conservateur aux Archives nationales
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