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BOURGEOISIE FRANÇAISE

De la réaction nobiliaire à la révolution bourgeoise

Le début du xviiie siècle est marqué par une forte réaction de la noblesse par rapport à la bourgeoisie. Sous Louis XVI, tous les ministres comme tous les évêques seront nobles ; une seule exception : Necker ; il en sera de même dans le recrutement des intendants, et aussi dans l'armée où la noblesse tend véritablement à former une caste militaire opposant des barrières à tous ceux qui ne possèdent pas quatre quartiers. Or, ce recul de la bourgeoisie dans l'administration, la magistrature, le clergé, l'armée, coïncide avec une forte progression de sa puissance économique. Cela explique l'impatience croissante du bourgeois qui détient la richesse de la nation et n'en est pas moins, selon l'expression de l'historien Labrousse, un « refoulé social ».

La transformation des structures agraires

Cette richesse se mesure notamment aux achats de terres faits à l'époque par la bourgeoisie parlementaire, industrielle ou commerçante. Or, c'est au xviiie siècle et notamment sous l'influence des physiocrates que se produit la plus importante sans doute des mutations qui aient affecté la propriété agricole depuis l'époque féodale : la terre est désormais considérée non plus comme un domaine sur lequel on vit, mais comme un objet de placement qui doit rapporter. Stimulés par l'exemple de l'Angleterre où des mesures de ce genre avaient été prises deux siècles plus tôt, les propriétaires fonciers réclament et obtiennent à peu près partout la disparition de la « vaine pâture » et des biens communaux, pour permettre une exploitation rationnelle de la terre par le propriétaire (exercée souvent par l'intermédiaire d'un fermier).

Cette politique foncière aboutissait à l'élimination de toute une population agricole vivant des anciens droits d'usage, lesquels permettaient aux non-possédants de se nourrir et d'entretenir du bétail, tout en fournissant une main-d'œuvre saisonnière. Aussi, à la fin de l'Ancien Régime, le malaise est-il évident dans le monde paysan, aggravé par l'établissement en 1727 de la corvée royale destinée à fournir une main-d'œuvre gratuite aux travaux de rénovation du réseau routier, et par la recherche, activement menée par les propriétaires bourgeois, des anciens droits tombés en désuétude (d'où la multitude de censiers et terriers rédigés à l'époque par des hommes de loi, assez nombreux pour avoir pu se grouper en une maîtrise, celle des feudistes, à laquelle appartint Gracchus Babeuf).

Le développement du commerce de l'argent

La bourgeoisie du xviiie siècle se caractérise aussi par un goût croissant pour la spéculation, stimulé par le système de Law (1716). Autant que le siècle des philosophes, le xviiie est celui des fermiers généraux, les uns et les autres ayant plus d'un rapport entre eux ; on sait que la marquise de Pompadour, de son nom Antoinette Poisson, femme et fille de financiers, est la protectrice des philosophes du temps. La Ferme générale, réorganisée en 1726, comporte quarante fermiers généraux, lesquels lèvent les impôts à leur guise en garantissant au Trésor un revenu annuel de 80 millions, qui sera progressivement augmenté pour atteindre 250 millions à la fin de l'Ancien Régime. Mais, entre-temps, la fortune de chacun des fermiers généraux – un Antoine Crozat, un Samuel Bernard – s'était accrue de façon beaucoup plus importante à proportion.

C'est enfin au xviiie siècle que se livrent les assauts décisifs contre la doctrine de l'Église touchant le prêt à intérêts. Turgot, entre autres, attaque cette doctrine, soutenue surtout par les membres du petit et moyen clergé. Par la lettre Vix pervenit adressée aux évêques d'Italie (1745), le pape Benoît XIV renouvelle certes les prohibitions[...]

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Écrit par

  • : archiviste paléographe, conservateur aux Archives nationales
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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