BOURGEOISIE FRANÇAISE
La République bourgeoise
La IIIe République sera fertile en changements de gouvernements et querelles de partis, sans que soient pourtant compromis les intérêts économiques et financiers de la bourgeoisie d'affaires. Il est remarquable en effet qu'une impulsion plus forte que par le passé a été donnée alors aux entreprises coloniales : conquête de l'Annam en 1882, du Tonkin et de Madagascar dès 1883, jusqu'à la conquête du Maroc commencée en 1911 ; semblable persistance dans la poursuite de buts militaires accentue l'impression d'une permanence dans la sauvegarde des intérêts financiers et économiques, soutenue par une administration demeurée stable en dépit des jeux de la politique et à travers eux. L'expansion coloniale est en effet le corollaire de l'expansion industrielle et commerciale (développement de l'aire du commerce, équipement des pays neufs). L'esclavage dans les colonies n'avait été supprimé en 1848 que pour être remplacé par le travail forcé qui, lui, ne prendra fin qu'en 1947.
Divers facteurs allaient concourir à une modification sensible du visage de la bourgeoisie au xxe siècle. Le droit de grève avait été reconnu aux ouvriers en 1864, et la loi de 1884, en permettant l'existence des syndicats, les munissait d'un organisme de défense. La fin du xixe siècle voit la prolifération d'une petite bourgeoisie de « classes moyennes », principalement de petits commerçants et de fonctionnaires. Un premier coup sérieux sera porté à la fortune bourgeoise avec l'établissement de l'impôt sur le revenu en 1914. Cette date marque le bouleversement complet apporté par la guerre dans l'équilibre européen ; par la suite, l'afflux des techniques nouvelles et l'exploitation de nouvelles sources d'énergie (pétrole, électricité) devaient influer sur les éléments de la puissance bourgeoise.
Plutôt que de possédants, la bourgeoisie d'aujourd'hui se compose de cadres salariés, de hauts techniciens, d'universitaires, de membres des professions libérales. Le mode de vie tendant à se niveler, il semble que l'on évolue vers un État où la répartition du confort matériel et de l'instruction ne serait plus l'apanage d'une classe, mais de tout un peuple. Aussi peut-on se demander avec certains historiens si les pays développés ne deviendraient pas collectivement bourgeois, face aux pays du Tiers Monde, lesquels n'ayant rien à offrir que leurs produits bruts (coton, caoutchouc, oléagineux) se trouveraient par rapport à l'Europe et à l'Amérique du Nord dans une situation comparable à celle du manouvrier du xixe siècle ne disposant que de la force de ses bras par rapport aux chefs d'industrie.
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Écrit par
- Régine PERNOUD : archiviste paléographe, conservateur aux Archives nationales
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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