BOUTS DIERIC ou THIERRY (1415 env.-1475)
Dans les écrits du xvie siècle, on l'appelle « Dirick de Haarlem », dans d'autres « Dirk de Louvain ». Il s'agit en fait d'un seul et même personnage dont le nom véritable est Dirk Bouts. Né à Haarlem, il se fixe vers 1445-1448, au moment de son mariage, à Louvain où il réalise ses principaux chefs-d'œuvre. On sait qu'il eut quatre enfants dont deux garçons, Dirk et Albert, furent peintres. On ignore quel fut le maître de Dirk Bouts. Hulin de Loo en 1926, se fondant sur l'incontestable influence de Rogier van der Weyden, suppose qu'il travailla chez ce dernier à Bruxelles. D'autres spécialistes (Schöne, 1938) pensent que Bouts et Ouwater travaillèrent ensemble à Haarlem où ils entrèrent en contact avec Petrus Christus qui les aurait initiés à l'art de Van Eyck et de Rogier van der Weyden. De là cette profonde et remarquable réserve « hollandaise », ce sens du paysage et des harmonies cendrées qui donnent à l'art de Bouts une place particulière dans l'art des primitifs flamands. Ces hypothèses très différentes cherchent à expliquer deux faits certains : d'une part l'influence de Van der Weyden, manifeste dans des œuvres telles que la Mise au tombeau de la National Gallery de Londres ou la Descente de Croix au Collège du Patriarcat de Valence, d'autre part la parenté existant entre les premiers panneaux de Bouts et ceux de Petrus Christus, comme le montre sa Pietà du musée de Bruxelles.
Mais Dirk Bouts a assimilé ces emprunts de façon très personnelle. Il exécute entre 1464 et 1468 le Retable du Saint-Sacrement pour la collégiale Saint-Pierre de Louvain, qui groupe autour de la Cène centrale quatre panneaux préfigurant l'institution de l'eucharistie. La Cène est à juste titre un des tableaux les plus célèbres de l'artiste ; Bouts en renouvelle l'interprétation iconographique en mettant l'accent sur le contenu liturgique représentant le Christ en officiant du saint sacrifice et en accentuant le caractère sacré par l'attitude intensément recueillie, voire tendue et crispée des apôtres. Quant aux volets, ils illustrent à merveille la façon dont Bouts intègre la scène au paysage ; il passe de la notion de paysage-décor à celle du paysage élément actif de la scène, existant vraiment par rapport aux personnages. On note la même remarquable organisation de l'espace dans des panneaux tels que le Martyre de saint Hippolyte (Bruges).
Devenu peintre de la ville de Louvain, l'artiste se vit commander, en 1468, pour l'hôtel de ville, une décoration dont subsistent au musée de Bruxelles les deux Tableaux de justice qui relatent la légende de l'empereur Othon. Ici encore, Bouts montre son originalité en exagérant à dessein le hiératisme de ses personnages maigres et secs aux mines impassibles : la tension dramatique naît bien du graphisme des formes anguleuses, de la savante articulation de l'espace et d'une rythmique théâtralement efficace des gestes.
L'exposition de 1957-1958 (présentée à Bruxelles et à Delft) a souligné le fructueux rayonnement de l'art de Bouts : à la fois décoratif et expressif, graphique, et par là même facile à assimiler, inquiet. Par ces différents traits, il rejoint et influence les recherches pathétiques du dernier Moyen Âge, et il participe à la fois de la culture des Pays-Bas du Nord et de celle des Pays-Bas du Sud. Bouts fut efficacement continué par son propre fils Albert et par divers maîtres anonymes comme le Maître de la Sibylle de Tibur. Il eut, en outre, un incontestable succès en Allemagne (Maître de la Vie de la Vierge...).
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- J. BOUTON : auteur
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