BOUVARD ET PÉCUCHET, Gustave Flaubert Fiche de lecture
Commencé dès 1874, puis un moment interrompu par la rédaction des Trois Contes, Bouvard et Pécuchet, dernière œuvre de Gustave Flaubert (1821-1880), est resté inachevé du fait de la mort soudaine de celui-ci. Des deux volumes initialement prévus, seul le premier, qui relate l'histoire des deux héros, a pu être pratiquement mené à bien. Il fut publié en 1881, et ne rencontra qu'incompréhension. Le second, qui devait rassembler l'ensemble des citations et des extraits de textes que Bouvard et Pécuchet, une fois retournés à leurs pupitres, recopient, constitue un recueil de fragments, auquel ni la nièce de Flaubert, avec l'aide de Maupassant, ni les critiques n'ont réussi à donner un ordre satisfaisant. Quelques blocs de textes, comme le Dictionnaire des idées reçues, permettent toutefois de comprendre assez précisément ce à quoi l'auteur voulait aboutir. En tout cas, même incomplet, il s'agit bien là d'un roman à part entière, où beaucoup voient le chef-d'œuvre de Flaubert.
L'acharnement encyclopédique
« Comme il faisait une chaleur de 33 degrés, le boulevard Bourdon se trouvait absolument désert. » C'est là, dans les années 1830, que Bouvard et Pécuchet font connaissance et se lient d'amitié. Tous deux copistes, ils ont les mêmes goûts et le même rêve, celui de se retirer à la campagne. Un héritage, dont bénéficie Bouvard, va permettre aux deux amis de prendre leur retraite et d'acheter une ferme dans le Calvados. Là, ils s'improvisent agriculteurs, mais, mettant en pratique des théories mal assimilées, ne produisent que de lamentables récoltes. D'autres tentatives aboutissent pareillement à des fiascos : leurs arbres périclitent, leurs conserves pourrissent, leur alambic explose. Mais Bouvard et Pécuchet ont pris goût à la science et à l'expérimentation. Ils vont explorer avec zèle tout le champ des savoirs humains. C'est ainsi qu'ils découvrent successivement la chimie, l'anatomie, la physiologie, la médecine, l'hygiène, la géologie et les fossiles. Chaque expérience les déçoit, car chaque savoir révèle ses limites ou ses contradictions : « La géologie est trop défectueuse ! À peine connaissons-nous quelques endroits de l'Europe. Quant au reste, avec le fond des océans, on l'ignorera toujours. » Poursuivant néanmoins leur traversée des savoirs, ils transforment leur ferme en musée archéologique et projettent d'écrire la vie du duc d'Angoulême, puis une pièce de théâtre. Survient la révolution de 1848. Ils plantent un arbre de la Liberté, songent à la députation et lisent les utopistes. Le coup d'État du 2 décembre les laisse amers : « Bouvard songeait : – „Hein, le Progrès, quelle blague !“. Il ajouta : „Et la politique, une belle saleté !“ ».
Ils délaissent alors l'étude. Bouvard courtise une voisine et Pécuchet connaît l'amour charnel avec une servante qui lui transmet la syphilis. Renonçant aux femmes, ils se tournent vers la gymnastique. Puis leur vient le goût des sciences occultes, qui les conduit à la philosophie. Celle-ci fait naître en eux le doute et le désespoir. Sur le point de se pendre, ils entendent sonner la cloche de la messe de minuit qui leur paraît un signe de Dieu. Mais la religion les lasse vite. Ayant recueilli les enfants d'un forçat, ils se chargent de les éduquer : c'est encore un échec. Usés par les déboires, lassés par l'inanité de leurs études et presque ruinés, ils décident d'abandonner les spéculations intellectuelles et de revenir à leur premier métier : copier.
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Écrit par
- Philippe DULAC : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure
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