BRAHMANISME
On entend sous le nom de brahmanisme l'aspect de la civilisation indienne qui succède à l'aspect dit védique et qui se continue dans ce que l'on a appelé l' hindouisme, forme récente du brahmanisme.
La période « brahmanique » se situe approximativement entre le temps où les upaniṣad commencent d'être composées – vers le vie-ve siècle avant J.-C. – et les débuts de notre ère. Une telle délimitation n'a d'ailleurs rien de rigoureux ; les frontières sont mouvantes : les plus anciennes upaniṣad classiques sont encore nettement védiques ; en revanche, les plus récentes présentent déjà des caractères qui les apparentent à l'hindouisme. Les épopées, dont la composition s'étale entre le ive-iiie siècle avant et le iiie-ive siècle après l'ère chrétienne, participent de deux états de civilisation que l'on désigne souvent du nom de brahmanisme ancien et brahmanisme récent. Enfin, si l'on définit ce brahmanisme ancien par une certaine fidélité aux coutumes védiques, on notera deux résurgences de l'attitude ancienne : l'une aux xive-xvie siècles, dans le royaume de Vijayanagar, et l'autre au xixe siècle, avec le mouvement de réforme de l'Ārya Samāj.
Cette incertitude se comprend si l'on réfléchit au sens même du terme : est brahmanique la pensée religieuse qui s'articule autour de la notion de brahman ; or, avant de devenir la Totalité, le brahman était déjà le centre du sacrifice védique, en tant que prière, énergie universelle ; de même, Absolu impersonnel, il se profile derrière toutes les spéculations des philosophes médiévaux.
C'est plutôt en considérant le contenu du brahmanisme – divinités révérées, croyances courantes et rites habituels – que l'on précisera la place qu'il occupe dans le déroulement de la civilisation de l'Inde, tout en sachant que cette appellation n'est et ne peut être que conventionnelle.
Les divinités
Le brahmanisme et l'hindouisme qui en est issu se caractérisent par la facilité avec laquelle ils assimilent les divinités et les croyances qu'ils rencontrent. Ainsi le brahmanisme, héritier du védisme, va conserver la plupart de ses divinités, en même temps qu'il adoptera, les assimilant à ses dieux, celles auxquelles rendaient un culte des groupes sinon autochtones, du moins installés antérieurement dans le pays. Ce mouvement d'absorption, commencé dès les temps védiques, continuera jusqu'à nos jours.
Les personnages divins demeurent innombrables, mais l'intérêt et les hommages se portent davantage sur quelques-uns ; on conserve le chiffre traditionnel de trente-trois. En fait le brahmanisme, comme le védisme, est hénothéique, c'est-à-dire qu'il s'adresse à un seul dieu considéré comme suprême, au moment où on l'honore ; il exalte à l'occasion telle ou telle divinité mineure à laquelle il a recours dans un but précis : cela d'autant plus aisément que la notion de brahman, forme impersonnelle de l'Absolu, s'inscrit en filigrane derrière chaque manifestation divine.
Parmi ces personnages divers, huit ressortent particulièrement et les textes ultérieurs continuent de les distinguer. Ces huit figures représentent les lokapāla, protecteurs de l'espace, chacun en rapport avec l'une des quatre directions cardinales ou des quatre intermédiaires. Certaines sont des forces naturelles personnifiées : Sūrya, le soleil ; Candra (ou Soma), la lune ; Vāyu, le vent ; Agni, le feu. Les autres offrent des caractères plus anthropomorphes : Yama, premier homme et dieu des morts ; Indra et Varuṇa, figures dominantes de la période précédente ; Kubera, dieu des richesses.
On voit s'estomper le personnage de Varuṇa. Dieu majeur en Iran, demeuré le Justicier des hymnes védiques, il devient ici[...]
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Écrit par
- Anne-Marie ESNOUL : directeur d'études honoraire à l'École pratique des hautes études (Ve section)
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