BRĀHMO SAMĀJ
Nom donné par son fondateur à l'un des puissants courants réformateurs qui se sont manifestés depuis le début du xixe siècle au sein de l'hindouisme. De telles tendances ont toujours existé en Inde, notamment avec les prédications de Chaitanya et de Kabīr (xve s.), ou de Tukārām (xviie s.). Cependant, c'est après l'installation des Anglais dans le pays que le mouvement réformateur prit toute son ampleur, en particulier à la suite de l'activité des missionnaires protestants dont les hindous cultivés ressentirent profondément le défi : les accusations d'idolâtrie, voire de barbarie (notamment à propos des mariages d'enfants, des « suicides » forcés des veuves sur le bûcher crématoire de leur mari) formulées contre leur religion les affectèrent au point que certains tentèrent de réformer celle-ci en supprimant de telles coutumes.
Le premier à tenter cette réforme fut un brahmane bengali du nom de Rām Mohan Roy (1772-1833). Élevé pour devenir un fonctionnaire de la cour du Grand Moghol, Roy apprit plusieurs langues (dont le persan, l'anglais et l'arabe) ; fonctionnaire, il fit la connaissance de divers intellectuels indiens et fréquenta des Européens. En 1814, il abandonna son emploi pour se consacrer à son œuvre spirituelle, et il fonda successivement diverses associations avant de créer en 1828 le Brāhmo Samāj (nom qu'il traduisit lui-même par l'expression anglaise de « Society of God »), l'objectif de cette société étant d'apprendre aux gens de bonne volonté comment honorer Dieu sans idolâtrie. On se réunit dans une salle nue, dépourvue de toute imagerie religieuse, et la seule forme de culte tolérée est le chant en commun d'hymnes et de prières, pourvu que ces textes soient (ou paraissent être) d'inspiration monothéiste. Par là, on voit à quel point Roy a été influencé par le protestantisme, l'islam et la franc-maçonnerie.
L'impact de la société sur les masses hindoues est nul, mais nombreux sont les intellectuels qui, surtout au Bengale, considèrent le mouvement avec sympathie. Le père de Tagore, par exemple, fut membre du Brāhmo Samāj. Une filiale de la société fut fondée en Inde occidentale (le Prārthanā Samāj, de Bombay), mais les deux groupements eurent du mal à survivre à leur fondateur. Comme il arrive si souvent dans l'Inde moderne, les successeurs de Roy en vinrent à consacrer leurs efforts à la fondation d'œuvres charitables et de maisons d'édition, qui ont perpétué jusqu'à nos jours le souvenir du fondateur.
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Écrit par
- Jean VARENNE : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III
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