BRANDT BILL (1904-1983)
La question de la forme
À partir de 1959, Bill Brandt est un photographe totalement indépendant ; il passe la moitié de l'année en Provence pour raisons de santé et il construit une œuvre clairement organisée. C'est ainsi qu'il reprend en 1979 son travail sur le nu qui, commencé en 1945, avait produit un premier album en 1961 qui fit réellement connaître son travail. Réalisés au moyen d'un appareil ancien à très grande profondeur de champ, ces nus contrastés (exécutés en intérieur ou dans des paysages et dont Bill Brandt disait : « Les nus sont généralement sentimentaux ou sexuels, je les préfère beaux ») se jouent de la perspective, des déformations. Le photographe est explicitement préoccupé, tant dans les volumes que dans les matières ou les lumières, par l'expression de l'espace et, finalement, ses nus sont fort proches des problématiques de la sculpture.
« Pour réussir à photographier un paysage, il faut que je devienne obsédé par une scène en particulier. » Bill Brandt revient plusieurs fois sur les lieux de la prise de vue jusqu'à obtention de l'intensité imaginée et de la luminosité voulue. Ainsi pour Top Withens, dans les landes du Yorkshire, il photographie la campagne après une intempérie, agitée par le vent, telle qu'elle avait inspiré Emily Brontë.
L'immense succès de ces images va permettre à Bill Brandt d'entreprendre la publication de l'essentiel de son œuvre en albums, qui se succèdent à un rythme annuel. Portraits, nus, reportages, mais aussi paysages montrent tous cette attention à la forme et cette affirmation du caractère abstrait de la photographie.
Il n'est pas indifférent que Bill Brandt, souvent lyrique dans ses créations, fasse référence à l'ensemble des arts plastiques de son temps. Le seul photographe qui ait eu une influence réelle sur lui reste Brassaï et il faut davantage chercher, pour comprendre cette œuvre réalisée sans tapage, du côté de Henry Moore et de Francis Bacon.
L'influence de Bill Brandt s'est exercée tout d'abord sur certains jeunes photographes qui estiment après lui qu'il n'y a pas de sujets privilégiés en photographie, que la question de la forme est plus importante que celle d'un hypothétique « sujet » et que la photographie se développe dans le cadre général des évolutions et des interrogations esthétiques d'une époque. Des photographes tels que Jean-Loup Sieff ou Ralph Gibson doivent bien des aspects de leur travail à la rigueur des noir-et-blanc de Bill Brandt, gentleman anglais discret et profond.
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Écrit par
- Christian CAUJOLLE : directeur artistique de l'agence et de la galerie Vu, Paris
Classification
Médias
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