BRASÍLIA
Le 21 avril 1960, le président de la République brésilienne, Juscelino Kubitschek, inaugurait solennellement Brasília, la nouvelle capitale fédérale du Brésil. Ville neuve, édifiée à l'intérieur des terres, sur le plateau central, à 1 200 kilomètres de São Paulo et de Rio de Janeiro, Brasília est le fruit d'un projet d'une grande audace politique, urbaine et architecturale. Cinquante ans plus tard, le pari d'inverser la tendance séculaire à la concentration de la population brésilienne sur le littoral semble être gagné. L'agglomération de Brasília, qui regroupait 2,6 millions d'habitants en 2009 (3,5 millions dans l’aire urbaine), est devenue une métropole de référence dans le réseau urbain brésilien (8e agglomération du pays) et joue un rôle international.
Un projet longuement mûri et promptement réalisé
Le projet d'ériger une nouvelle capitale (en remplacement de Rio de Janeiro), récurrent depuis l'indépendance en 1822, est finalement lancé dans les années 1950. La fondation de Brasília devait achever et couronner la « brésilianisation » du pays, c'est-à-dire l'affirmation de son identité culturelle et son engagement sur la voie de l'indépendance économique, dans le cadre d'un programme de développement national qui définit les contours d'un Brésil moderne, industriel et urbain. À l'époque où le Brésil accueille sa première Coupe du monde de football, où naît la bossa nova et triomphe le cinema novo, le Brésil relève le défi de construire, dans une région quasi déserte, et à partir de rien, la capitale d'un pays de 8,5 millions de kilomètres carrés. L'entreprise d'État Novacap, « compagnie urbaine de la nouvelle capitale », fondée en 1956, devient le maître d'ouvrage chargé de choisir et d'exécuter l'un des dix avant-projets d'urbanisme soumis à un concours.
Bien plus qu'une nouvelle capitale politique et administrative, Brasília devait être l'instrument de transformation politique et sociale du pays qui commençait son processus d'industrialisation. L'architecte brésilien Oscar Niemeyer, qui avait déjà travaillé avec Kubitschek lorsque celui-ci était gouverneur du Minas Gerais (construction du quartier de Pampulha à Belo Horizonte et de plusieurs édifices à Diamantina en 1950), est d'emblée convié par le président, tandis que la commission de sélection retient le projet urbain de Lucio Costa. Le plan pilote, fondé sur le dessin d'une croix ou d'un avion, est formé de deux axes, l'un, droit, qui abrite les édifices du pouvoir, l'autre, incurvé, qui a une fonction résidentielle. Ce plan constitue un cas d'école qui a fasciné les urbanistes par sa simplicité et son efficacité. L'architecte et l'urbaniste s'accordent pour concevoir la ville comme une œuvre d'art, métamorphosée en un lieu magique où se jouerait l'égalité des chances du Brésil du futur, en inventant un urbanisme adapté à une démocratie libérale. Ainsi, le plan est organisé avec des zones fonctionnelles selon les secteurs d'activités spécialisés (commerces, hôtels, ministères...), séparant le lieu de travail de celui de l'habitation, et devant permettre une circulation dense et rapide grâce à un système d'échangeurs autoroutiers. Le long des deux grandes avenues se trouvent les plus beaux exemples d'architecture moderne. Conçus par Niemeyer, les lieux de pouvoir ont des formes totalement nouvelles, telles les colonnes du palais de l'Alvorada, résidence du président, la coupole de la cathédrale, et plus encore la place des Trois-Pouvoirs érigée à la gloire de l'État. Quant aux unités d'habitation du plan pilote, elles sont composées d'immeubles de quatre à six étages, regroupées par série de quatre, formant ainsi des unités de voisinage[...]
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Écrit par
- Martine DROULERS : docteur en géographie, directrice de recherche au C.N.R.S.
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