BREAD AND PUPPET THEATRE
À travers le Bread and Puppet Theatre, et grâce à son créateur, Peter Schumann, sculpteur d'origine allemande, le spectacle américain des années 1960 a rencontré les marionnettes siciliennes issues d'une très vieille tradition du xive siècle et, peut-être, subi l'influence du carnaval allemand et de certaines représentations médiévales de la vie des saints. Cette forme de théâtre s'est manifestée dans la rue comme dans les églises de Provence et dans certains campus des universités américaines, en particulier dans le Vermont où la troupe a conduit une vie communautaire entre deux voyages.
Les réalisations du Bread and Puppet se présentent comme des actions animées par des sculptures géantes où à la dimension de l'homme. Le corps humain est la seule source du mouvement. Le masque et la marionnette y ont une part prépondérante, celle de l'acteur étant réduite à la marche, à l'attitude, au mouvement élémentaire qui développent un art savant, fait de lenteur et de répétition. La parole y est limitée, élément d'accompagnement de l'action visuelle, musique ou bruitage. Les fervents de Brecht se sont d'abord ralliés au théâtre de masques dont celui-ci avait déjà utilisé le pouvoir théâtral. Le célèbre effet « de distanciation » est souligné par la lenteur du rituel, d'abord exaspérante, et qui nous transporte peu à peu dans un autre temps que le nôtre. Chaque mouvement de ces géants de 3 à 4 mètres revêt une telle importance dans l'espace que la durée et l'action prennent alors une signification forte, soulignée par la grande beauté de ces têtes et de ces formes. Art du vitrail, art du conteur, ce théâtre présente un monde étrange tout en paraboles et en allégories ; puisant son inspiration dans les Écritures, nous parlant de l'homme et de la foule, il nous redit inlassablement la crucifixion, la résurrection, le monde de la violence, l'horreur de la guerre, la tristesse de l'absence, la longue litanie des méchants et des trompés. La joie est étrangement muette dans cette liturgie d'où la parole est à peu près bannie. Le spectateur voit défiler des visions lointaines, plus ou moins mythiques, qui montrent la dégradation de l'homme et celle d'un dieu triste. Théâtre du choc affectif, mais qui en transpose la durée. Théâtre pauvre mais total qui ordonne, dans une succession de scènes courtes, quelques acteurs, quelques gestes et quelques mots qui doivent nous toucher, la représentation de tel moment d'une action précise où se mêlent acteurs et spectateurs. Un récit accompagne parfois la succession des images. La simplicité extrême de ce théâtre, par ailleurs savant et élaboré, revendique la vie réelle en protestation contre les contraintes politiques et technologiques. Jamais l'art dramatique ne s'est fait aussi nu, aussi recherché dans la technique et l'invention artisanales : « Aucun de nous n'est acteur professionnel. Nous sommes autant des boulangers que des montreurs de marionnettes ; car, pour nous, le théâtre est aussi nécessaire que le pain. » Moral et épique, ce théâtre nous montre l'éternel combat du bien et du mal et parcourt le temps ; les archétypes n'ont pas d'âge. Théâtre baroque, l'homme est à la fois enveloppe extérieure de ces marionnettes par lesquelles la vie se manifeste et lieu de leur action représentée. Il est, d'ailleurs, difficile de séparer les moralités des mystères et des fables ; certains de ces spectacles ayant un but plus précisément politique, lorsqu'il évoque la guerre du Vietnam ou la menace écologique qui pèse sur la Terre. Mais, si ces formes géantes, se balançant au-dessus des spectateurs, frappent l'imagination, elles ne refusent pas les deux composantes essentielles du jeune théâtre américain : poésie et humour. Schumann le dit : « Nous ne voulons pas enseigner mais comprendre ensemble la même chose. C'est le réveil du monde et nous battons les cymbales. » Tout le monde participe à la création du spectacle. L'espace est utilisé[...]
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Écrit par
- Armel MARIN : metteur en scène, conseiller en éducation populaire et techniques d'expression
Classification
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