BRETAGNE, région administrative
Le jeu des recompositions territoriales et humaines
Cette mutation économique ne s'est pas opérée sans de profondes recompositions démographiques, spatiales et sociologiques.
Alors qu'elle souffrait depuis plus d'un siècle d'un exode chronique massif, la Bretagne redevient attractive dès la fin des années 1960. Elle a gagné près de 700 000 habitants depuis 1968, atteignant avec dix ans d’avance les prévisions de l’I.N.S.E.E. pour 2020.
La modernisation a bouleversé l'organisation du peuplement. Tout d'abord, le taux de la population urbaine est passé de 33,6 p. 100 en 1954 à 57,3 p. 100 en 1990 puis 71,5 p. 100 en 2007 ; il a dépassé celui de la population rurale en 1961 (1931 en France). Ensuite, l'opposition Armor/Argoat s'est accentuée. Si le déclin démographique des campagnes a accompagné leur modernisation, plus des deux tiers de la population bretonne se situent désormais entre le littoral et les routes à quatre voies. La présence initiale des villes en fond d'estuaire (Quimper, Morlaix, Hennebont...), l'essor de la pêche bretonne (57 p. 100 des prises en France en 2013), l'ouverture internationale accrue et les effets économiques du tourisme balnéaire ont profité au littoral. Enfin, ce sont l'est et le sud de la région qui sont gagnants. Alors que le département rural des Côtes-du-Nord, rebaptisé Côtes-d'Armor en 1990, était le plus peuplé en 1806, il est désormais le moins peuplé. La côte sud s'est mieux comportée car le tourisme y est plus développé et elle regroupe l'essentiel de l'activité hauturière, notamment autour des quartiers maritimes du Guilvinec et de Lorient. Surtout, la croissance de Rennes assure l'envol de la population de l'Ille-et-Vilaine qui, pour la première fois en 2000, a dépassé celle du Finistère.
Ces mutations ont été accompagnées de singulières transformations paysagères et sociales. La mécanisation des campagnes a entraîné le remembrement et la suppression de près de 200 000 kilomètres de talus. On assiste à la disparition progressive des costumes traditionnels (il reste une poignée de femmes âgées portant au quotidien le costume bigouden) et à un effondrement de la pratique de la langue bretonne, qui était unanimement parlée en Basse-Bretagne, au-delà d'une ligne allant de l'ouest de Saint-Brieuc à l'est de Vannes (100 p. 100 de bretonnants en 1863, 13 p. 100 aujourd'hui). Dans le Finistère, la part des agriculteurs dans la population active du département est passée de 60 p. 100 en 1962 à moins de 4 p. 100 en 1999 !
Cependant, le xxe siècle apparaît bien contradictoire en Bretagne. Certains auteurs insistent sur la banalisation des paysages et les problèmes environnementaux générés par le « modèle », notamment la pollution de l'eau née de l'agriculture intensive. Le xxe siècle aurait été « cruel » pour la Bretagne en favorisant l'effondrement de la société paysanne, ce qui a entraîné une profonde transformation liant « déculturation », traumatisme linguistique et « désethnicisation ». Réputée pour être la région « dans laquelle il fait bon vivre », la Bretagne se singularise par des comportements à risque et des taux de suicide alarmants (notamment chez les jeunes). Mais d'autres auteurs, plus nombreux, préfèrent insister sur la formidable modernisation de la société. Les sociologues soulignent comment, d'une identité « refoulée » voire « négative », le Breton est passé à une identité affirmée, « positive », qui apparaît au grand jour lors des fêtes de l'été. D'autres auteurs insistent sur les mesures actuelles pour renforcer la qualité de l'eau et la vigueur d'un « modèle agricole breton » qui a permis au pays de relever des obstacles en apparence insurmontables (des terres parmi les moins riches de France, l'absence fréquente de sols, l'existence d'une population agricole très[...]
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Écrit par
- Jean OLLIVRO : professeur à l'université de Rennes-II-Haute-Bretagne
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Médias