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BREVET D'INVENTION

Enjeux économiques des brevets

Le droit de brevet, comme tous les droits de propriété intellectuelle, est un droit jeune. Si l'on fait abstraction de quelques législations annonciatrices de sa logique (telle qu'à Venise la « Parte veneziana » de 1474), c'est au xviiie qu'il éclot véritablement dans les pays « avancés » de l'époque. En France, la loi fondatrice est le décret révolutionnaire des 31 décembre 1790 et 7 janvier 1791. Ce droit – chose bien oubliée aujourd'hui – naît alors comme un droit de l'homme. Il s'agit d'éviter, dit-on, que, comme dans les siècles passés, le génie inventif soit méconnu.

Pourtant, « l'intérêt national » est déjà invoqué et, très vite, c'est une autre philosophie qui est mise en avant. Le brevet devient un dispositif tout entier tourné vers la « recherche-développement ». C'est moins l'inventeur qui est alors pris en considération que l'invention en tant qu'elle permet le progrès technique et donc, postule-t-on, le progrès de la société. Il y a quelque chose de faustien dans le brevet. Le droit des brevets moderne est un droit de l'innovation et, comme l'innovation coûte cher, il est aussi, dans le même temps, un droit de l'investissement. C'est sous ce double éclairage qu'il doit être compris et c'est seulement sous ce double éclairage qu'il peut l'être. Il n'est pas étonnant qu'il ait un rôle stratégique. Mais les certitudes vacillent aujourd'hui, le système des brevets est contesté et cela ne peut être ignoré.

Un droit de l'innovation

Le droit des brevets est un droit de l'innovation en cela qu'un brevet n'est délivré (il faut, en effet, passer par une procédure soit nationale soit européenne soit internationale) que pour une invention nouvelle et, disent les textes, « impliquant une activité inventive ». Le mot invention, longtemps, n'a guère retenu l'attention car il semblait qu'on sache intuitivement ce qu'il était censé recouvrir. Avec les nouvelles voies empruntées par l'innovation (informatique, biotechnologies,...), les choses, comme on le verra, sont moins assurées aujourd'hui. L'Office européen des brevets, quant à lui, voit dans l'invention une innovation technique : « Solution technique à un problème technique »... ce qui laisse entendre que l'on sache ce que peut signifier ce mot, polysémique s'il en est ! L'idée sous-jacente est, en tout cas, que le brevet ne s'intéresse pas au monde des idées mais à celui des réalisations (non pas, par exemple, aux théories scientifiques mais aux possibles applications qu'on peut en faire). L'exigence de nouveauté n'est pas tautologique comme on pourrait le penser : il s'agit d'éviter qu'un brevet ne soit octroyé pour une invention déjà faite mais oubliée. C'est le système dit « de la nouveauté absolue » qui veut que les antériorités susceptibles d'interdire la prise d'un brevet puissent être recherchées en tous temps et en tous lieux (on cite le cas d'une telle antériorité découverte dans un texte de Pline l'ancien). Enfin, les mots « activité inventive » sont trompeurs : derrière eux se cache une exigence de « non-évidence ». L'invention doit encore ne pas être évidente pour un homme du métier. On comprend que l'appréciation est délicate. Mais l'idée, encore, est qu'un droit de brevet ne soit reconnu qu'en présence d'une innovation méritant vraiment protection.

Un droit de l'investissement

C'est que le brevet – le droit de brevet –, qui est à l'analyse juridique un droit de propriété sur l'invention, protégé par l'action en contrefaçon, se présente, économiquement parlant, comme un monopole. Il permet à son titulaire[...]

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Écrit par

  • : agrégé des facultés de droit, avocat au barreau de Paris
  • : avocat à la cour, docteur en droit
  • : agrégé des facultés de droit, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris

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