BRICS
L’acronyme BRICS désigne le groupe de pays formé par le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Malgré la tenue régulière de sommets annuels depuis 2009 et quelques réalisations communes, la solidité de cet ensemble est régulièrement mise en cause au gré des crises qui touchent ses États membres ou de leurs divergences. Les BRICS sont-ils pour autant une appellation vide de sens ?
Un acronyme ancien, qui a progressivement attesté d’une union relative
L’origine du terme BRIC (sans S, au départ) est due à Jim O’Neill, ancien chef économiste de la banque d’affaires Goldman Sachs. Dans un article remarqué, publié en 2001, « Building better global economic BRICs », l’analyste britannique, anobli en 2015 Baron O’Neill of Gatley, attirait l’attention sur les opportunités financières offertes par la croissance des économies du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine. En 2040, prédisait-il, le PIB cumulé de ces pays, qui représentaient à l’époque 16 % de la production mondiale et près d’un tiers de la population de planète, dépasserait celui des six premières puissances industrialisées du début du xxie siècle, remodelant ainsi profondément la géographie et les rapports de force économiques mondiaux.
L’acronyme n’a en lui-même rien de foncièrement novateur. Depuis les années 1970, il est commun de faire référence au potentiel économique des « pays émergents », terme qui avait d’ailleurs pris la suite de celui de « pays en voie de développement ». Toutefois si l’appellation marque, c’est parce qu’elle est proposée dans un contexte de mondialisation triomphante, qui laisse planer l’espoir d’un monde « multipolaire » régi par la règle de droit et la diffusion du libéralisme économique et politique. Les crises financières, qui ont frappé les pays émergents dans les années 1980 et 1990, semblent déjà loin ; l’heure, pour eux, était aux réformes peu ou prou inspirées du « consensus de Washington », qui réunit de façon tacite le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM) et le département du Trésor américain pour conditionner le financement des pays émergents à certaines règles économiques d’inspiration nettement libérale.
À cette époque, les BRIC parviennent individuellement à exprimer des positions sur les enjeux internationaux, tels que les négociations commerciales du cycle de Doha (qu’ils ne favorisent pas), la prolifération nucléaire en Iran (dont la Chine, la Russie et le Brésil se mêlent tour à tour, de façon plus ou moins constructive) ou bien les conventions climat de Bonn (1999) ou de Copenhague (2009), où tous rechignèrent à prendre beaucoup d’engagements. Les grands émergents ont alors à cœur de défendre leurs intérêts, leur aspiration commune à participer aux affaires mondiales et une autre vision des relations internationales. En parallèle, leurs relations bilatérales prennent une ampleur conséquente, particulièrement en matière commerciale.
Forts de cette dynamique, le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine décident de formaliser leur coopération en organisant, en 2009, un premier sommet annuel à Ekaterinbourg (Russie). Ils sont rejoints en 2011, à Sanya (Chine), par l’Afrique du Sud. Les BRIC deviennent BRICS (le S désignant l’Afrique du Sud, South Africa) et font entendre leur voix dans le contexte de la crise financière de 2008 pour revendiquer davantage de poids dans la gouvernance économique mondiale, trop marquée à leurs yeux par la prédominance des puissances occidentales. C’est un succès : l’élargissement des réunions du G20 aux chefs d’État de ces pays à partir de 2008, ainsi que les réformes du FMI et de la Banque mondiale initiées au même moment, répondent alors à leurs aspirations et marquent leur avènement au rang de puissances mondiales.
Progressivement, le rapport[...]
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Écrit par
- Olivier MARTY : enseignant en économie européenne à Sciences Po et à l'université de Paris
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