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BRICS

L’appellation de BRICS a-t-elle toujours un sens ?

Cependant, la perception de l’unité politique des BRICS varie au gré des périodes. Durant les années 2000, le groupement, encore artificiel, a tendance à être observé avec une certaine distance. Ces pays ne sont pas perçus comme réellement unis ni comme une véritable menace géopolitique. La Chine n’est pas encore la grande puissance rivale des États-Unis et de l’Union européenne ; le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud se distinguent par leurs régimes démocratiques ; la Russie n’exerce pas trop à cette époque sa capacité de nuisance régionale tout en continuant sa transition vers l’économie de marché. Tout au plus ces pays représentent-ils une force commerciale et l’espoir de rééquilibrer la mondialisation quand celle-ci se voit de plus en plus nettement remise en cause.

Les points de vue changent au cours des années 2010. Les BRICS sont davantage pris au sérieux notamment grâce à leur regroupement annuel formel et à la multiplication de leurs échanges croisés. La création, en 2014, lors du sommet de Fortaleza (Brésil), de leur « Nouvelle banque publique de développement », institution financière basée à Shanghai (à ne pas confondre avec la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, créée également en 2014 à l’initiative de la Chine dans le cadre de sa stratégie des « Nouvelles Routes de la soie »), donne également du crédit à cette perception. Toutefois, les crises économiques qui frappent régulièrement ces pays (situations de surchauffe en 2013-2014 ou de ralentissement prolongé en 2018-2019) remettent en cause leur importance dans l’économie et la politique mondiales. De plus, la montée des populismes et des nationalismes observée à Brasília, New Delhi, Moscou et Pékin sert également d’arguments pour prédire une union plus délicate.

Pour beaucoup d’observateurs, la fragilisation du bloc ne doit pas étonner. D’aucuns sont prompts à rappeler l’hétérogénéité intrinsèque du groupe au regard des différences de modèles économiques, de régimes politiques, de poids géopolitiques ou de tendances démographiques. D’autres pointent la singularité de la Chine, ultra-dominante au sein du club des cinq, ou ne voient plus la spécificité de cet ensemble par rapport à d’autres pays émergents (Bangladesh, Éthiopie, Nigeria, Indonésie, Vietnam, Mexique, par exemple) pour lesquels des acronymes concurrents sont d’ailleurs créés. Le déséquilibre des relations économiques et les contentieux commerciaux des BRICS (entre la Chine et le Brésil, par exemple) ainsi que les conflits géopolitiques qui peuvent parfois les opposer (rivalité sino-indienne, notamment) nourrissent également le discrédit de ce regroupement. On se rappelle alors que l’économiste Jim O’Neill envisageait d’ailleurs de sortir la Chine du groupe dès 2013, tandis que la banque Goldman Sachs fermait son fonds dédié aux BRICS en 2015.

Rapprochement Chine-Russie, 2021 - crédits : Russian Foreign Ministry/ Sputnik/ AFP

Rapprochement Chine-Russie, 2021

Au fil du temps, les BRICS sont en fait tous devenus des « pays émergés », chacun à sa façon. Cette césure dans leur modèle de développement induit pour chacun d’entre eux des défis domestiques nouveaux (essoufflement de leurs modèles de croissance, développement de la protection sociale, gestion des inégalités, etc.), qui alimentent leur repli sur eux-mêmes en tant qu’États-nations. Ils sont donc moins propices à leur coopération. Ainsi, plutôt qu’une alliance, les BRICS doivent être considérés comme un réseau de pays très différents ayant parfois intérêt à nouer des relations bilatérales importantes, voire stratégiques, comme entre la Russie et la Chine. Ils peuvent également se retrouver sur des positions communes plus symboliques que réellement déterminantes dans la conduite des affaires mondiales.

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Écrit par

  • : enseignant en économie européenne à Sciences Po et à l'université de Paris

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Rapprochement Chine-Russie, 2021 - crédits : Russian Foreign Ministry/ Sputnik/ AFP

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