BRICS
Une réalité géopolitique qui perdure malgré son hétérogénéité
Doit-on pour autant arrêter de parler de BRICS ? Cette question est quelque peu difficile en raison de l’ambiguïté intrinsèque de cet acronyme. Celui-ci désigne en effet, historiquement et usuellement, un groupement de pays au poids économique commun important et croissant. Mais il fait également référence à l’existence d’une coopération politique formalisée, dont la densité est sans doute exagérée, mais qui n’est pas devenue complètement inexistante pour autant. Enfin, les BRICS peuvent être considérés comme un ensemble de pays représentatifs, dans une certaine mesure, des réalités des pays émergents : les pays avancés peuvent utiliser cette sorte de référence pour défendre leurs propres intérêts et œuvrer à la réforme des institutions ou des politiques caractéristiques de la mondialisation, dont les limites les mettent en cause. De ces différents points de vue, on ne peut tout à fait acter de la vacuité du terme de BRICS.
Premièrement, les BRICS restent bien une réalité économique. Leurs parts dans la production (25 %) et la population mondiales (40 %), de même que leurs dynamiques de croissance, restent impressionnantes. La Chine est la deuxième puissance économique du monde, l’Inde la septième et le Brésil la neuvième. Dans les prochaines décennies, la Chine et l’Inde, tirées par leur démographie, renforceront leur poids géoéconomique, même si les aspirations géopolitiques des deux géants asiatiques et leurs rapports aux puissances occidentales ne seront vraisemblablement pas les mêmes. Aussi, la diversification des économies et la poursuite de la montée en gamme technologique de ces pays sont susceptibles de poser des défis plus pressants aux pays développés. En matière de commerce, d’investissement et de propriété intellectuelle, les rapports de force entre les BRICS et les pays développés sont donc amenés à se durcir.
Deuxièmement, les cinq puissances ont toujours intérêt à promouvoir des positions idéologiques communes. C’est vrai sur le climat : les engagements de Pékin, Brasília ou Moscou restent modestes (comme on l’a vu lors des négociations de la COP 26 de Glasgow de 2021) ; l’antagonisme avec les pays occidentaux, toujours jugés responsables de la flambée des émissions de gaz à effet de serre, demeure vif, notamment sur la question des financements aux pays pauvres. Cela s’observe aussi sur le commerce ou dans l’essor des activités de la Nouvelle banque publique de développement, qui se positionne depuis 2015 comme une alternative financière et politique aux institutions de Bretton Woods, en disposant notamment d’un fonds d’assistance aux pays en crise de balance des paiements. Sur les grandes crises de sécurité internationale, la logique de non-ingérence restera vraisemblablement le crédo commun.
Troisièmement, les motifs de coopérations bilatérales ou multilatérales des BRICS continuent d’exister. La Chine est le premier partenaire commercial de l’Inde, ce qui invite les deux pays à se soucier de sujets connexes au commerce, comme les migrations. New Delhi entretient de bonnes relations avec Moscou. La Russie a bâti un partenariat stratégique, certes déséquilibré, avec Pékin. Ensemble, les BRICS coopèrent toujours dans la lutte contre la criminalité transfrontalière, en matière de financements privés ou dans le domaine de la santé. Ainsi, lors de leur douzième sommet annuel, tenu en novembre 2020 sous présidence russe, lorsque les cinq pays se sont entendus pour promouvoir une réponse commune à la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 en favorisant la production de vaccins. Au total, même si les coopérations conjointes sont faibles, aucun État pris individuellement n’a intérêt à quitter le forum.
Enfin, les pays occidentaux ont intérêt à continuer de considérer les BRICS comme[...]
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Écrit par
- Olivier MARTY : enseignant en économie européenne à Sciences Po et à l'université de Paris
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