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BRIDGE

Histoire

Probablement apparu dans les milieux diplomatiques en poste à Istanbul autour de 1870, le bridge est le fruit d'une lente évolution qui plonge ses racines loin dans le temps. On peut considérer que le tarot, porteur de la notion d'atout, en est l'ancêtre le plus historique. Mais le tarot, inventé au début du xve siècle dans les cours princières d'Italie du Nord, nécessitait l'ajout d'une série spéciale – les « triomphes » – au jeu ordinaire arrivé quelque cinquante ans auparavant. Très vite, le principe de l'atout fut transposé aux autres jeux : il suffisait d'affecter à ce rôle une des quatre couleurs. Cette sélection était laissée au hasard. Ainsi naquit autour de 1500 une famille de jeux assez simples, pareillement nommés « triomphes », que les usages locaux diversifièrent. On distingue une triomphe française (au féminin), ancêtre de l'écarté, une triomphe espagnole, qui donnera naissance au siècle suivant à l'hombre, une triomphe allemande et une triomphe anglaise (English trump), aussi appelée ruff and honours. Cette dernière, fort appréciée au xvie siècle dans les îles Britanniques, devait à son tour engendrer le whist qui, sous la graphie whisk, fait ses premiers pas au début du xviie siècle.

Il fallut près de cent ans pour que le jeu s'impose. Le whist, en effet, a longtemps gardé une image peu prestigieuse. Vers 1720, les règles changent un peu : désormais, toutes les cartes sont distribuées et la marque est aménagée ; certaines options sont abandonnées. La simplicité des règles du whist, qui sont à peu près les mêmes que celles du jeu de la carte au bridge, ouvrait des perspectives de stratégie d'autant plus intéressantes que le calcul des probabilités était devenu possible. Edmond Hoyle (1679-1769) fut l'homme qui propulsa le whist au rang de grand jeu. Un manuel, publié en 1742, devint un foudroyant succès d'édition et permit au whist de franchir la Manche. À partir du milieu du xviiie siècle, l'Europe adopte le jeu, lui assurant ainsi une carrière internationale qui perdurera jusqu'à la fin du xixe siècle.

Mais, en gagnant de nouveaux territoires, le whist donna prise aux hybridations. C'est ainsi que l'idée de confier le choix de l'atout à un tour de parole plutôt qu'au hasard de la retourne de la dernière carte – idée venue d'Espagne avec l'hombre et ses dérivés (quadrille, médiateur) – fut l'occasion, vers 1780, de créer un nouveau jeu, le boston. Celui-ci, évoluant rapidement, en vint à se doter vers 1810 de véritables enchères en forme... de contrats (jouer seul contre trois ou avec un partenaire, en proposant un certain nombre de levées ou, au contraire, en promettant d'en faire le moins possible) et même d'une hiérarchie des couleurs allant jusqu'au sans-atout, alors nommé « quatre-couleurs ».

Pendant ce temps, l'habitude de jouer au whist avec un mort trouvait en France un terrain d'élection. Mais c'est sans doute en Russie que les essais de jeux combinant diverses innovations venues d'un peu partout – les enchères, la hiérarchie des couleurs, le sans-atout, le mort, etc. – furent les plus nombreux. Parmi eux, on relèvera le yeralash (littéralement « pêle-mêle ») dont une variante encore inaboutie paraît avoir été introduite à Constantinople vers 1870 par les Russes. Rebaptisé britch, un terme peut-être emprunté au serbo-croate, le jeu fut adopté immédiatement par la colonie des diplomates et financiers occidentaux. Le britch gagna l'Occident peu après. Paris et Londres le reçurent dès les années 1880. En 1886 paraît à Londres la plus ancienne règle imprimée du jeu, intitulée Biritch or Russian whist. Un peu plus tard, le terme subit une réfection anglicisante qui le changea en bridge, nom qui lui est resté.[...]

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Écrit par

  • : licencié ès lettres, ingénieur du Conservatoire national des arts et métiers, historien du jeu

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Média

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