BRÛLURES
Évolution clinique et biologique des brûlures graves
Après une phase d'agitation, parfois de délire, s'installe un état de choc avec ses signes généraux classiques. Le tableau clinique comporte l'hypotension, le pouls imprenable, l'hypothermie, l'anurie, parfois des vomissements sanglants (un tubage gastrique ramène presque toujours du sang dans les cas graves). Il est accompagné de désordres biologiques : l'hémoconcentration, l'hyperazotémie, l'abaissement du pH (acidose) avec hyperlactacidémie, l'abaissement de la pression en CO2 et de la réserve alcaline. Si une thérapeutique précoce a permis de dépasser le stade du choc initial, s'installe une phase qui est dominée d'abord par le fonctionnement rénal, puis par ce qu'on peut appeler un état de choc chronique au cours duquel la fragilité du malade est considérable, l'infection menaçante, l'équilibre azoté difficile à maintenir, la réparation des plaies lente, la prise des greffes parfois décevante.
Le stade précoce du choc dépend de deux sortes de facteurs. Les premiers sont avant tout locaux.
De nombreuses substances (bradykinine, histamine, sérotonine) libérées dans la circulation peuvent avoir à distance des effets vasomoteurs défavorables. Mais surtout les polypeptides libérés par la brûlure, ou par les germes qui l'infectent en surface, devront être détoxifiés par le foie. Comme après toute agression importante, le système adréno-sympathique est excité et libère des catécholamines. Celles-ci vont produire une vaso-constriction dans les organes abdominaux qui, combinée à la spoliation de la masse sanguine, provoque une déficience de la circulation dans les reins (exclusion cortico-rénale), le foie (chute du débit hépatique), l'intestin (infarctus intestinaux). D'où difficulté pour le foie de détoxifier (par gluco- ou sulfo-conjugaison) et pour le rein d'excréter convenablement ces produits toxiques. Enfin, les perturbations de la circulation hépatique diminuent les possibilités pour le foie de retransformer l'acide lactique en glucose (néoglucogenèse) comme il le fait normalement – d'où la stabilité de l'acidose – et de transformer l'ammoniac d'origine intestinale en urée – d'où l'hyperammoniémie. L' insuffisance hépato-rénale domine donc l'évolution secondaire des grands brûlés. La perte liquidienne considérable constatée au niveau des régions brûlées et l'œdème, dont elles sont le siège quelques heures après la brûlure, cause de diminution de la masse circulante (d'où risque de choc hypovolémique), obligeaient autrefois à des remplacements hydriques massifs et secondairement dangereux. Le traitement local précoce et la neuroplégie en ont diminué considérablement l'importance.
La réaction endocrinienne mettant en jeu le couple hypophyso-surrénal, plus tardive que le stade de choc, conditionnera en partie l'intense catabolisme azoté, les troubles de cicatrisation, le bilan potassique négatif.
Dès les premiers jours, l'infection de la brûlure et du brûlé conditionnera les possibilités de survie et la qualité de la cicatrisation. L'infection locale aggrave les lésions initiales de la brûlure, les germes trouvant là des conditions très favorables à leur multiplication. À partir de ces foyers locaux, les risques de propagation à distance – infection pulmonaire ou rénale –, de généralisation – septicémie – sont considérables et permanents. Les conditions de la lutte anti-infectieuse ne se limitent pas, et de loin, à l'emploi d'antibiotiques, l'état local, l'état général – nutritionnel en particulier –, les maladies associées (diabète) favorisent l'état infectieux qui, à son tour, retentit sur eux.
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Écrit par
- Henri LABORIT : chirurgien des hôpitaux de Paris
- Bernard WEBER
: spécialiste du cadre hospitalier d'anesthésie-réanimation, rédacteur en chef de la revue
Agressologie
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