BAYEN BRUNO (1950-2016)
Né le 13 novembre 1950 à Paris, Bruno Bayen entre à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm. Sous la direction de Bernard Dort, il présente une maîtrise consacrée à Homme pour homme de Brecht. Il s'essaie déjà à l'écriture dramatique. Au musée ce soir évoque Mai-68 par le biais du théâtre dans le théâtre, et intéresse Jean-Marie Serreau, mais reste sans suite. Dans un café-théâtre, il monte alors Le Pied (1972), adaptation de L'Intervention de Victor Hugo, mêlée d'extraits de Karl Valentin et de Gombrowicz, procédé auquel il recourra souvent par la suite. Une troupe, La Fabrique de théâtre, s'est constituée. Elle compte notamment la comédienne Elsa Peirce, la collaboratrice de prédilection de Bayen.
En 1973 a lieu la représentation de Madame Hardie, d'après un récit de Brecht que Bayen situe dans un Far West de cinéma, avec le souci épique d'interrompre l'enchaînement des séquences. Brechtien, Bayen l'est dans son refus du naturalisme, et par sa volonté d'aborder la représentation du réel en prenant en compte toutes ses contradictions. Mais il réfléchit davantage sur le bouleversement brechtien qu'il ne poursuit son exemple, se sentant redevable tout autant à Meyerhold qu'aux formalistes russes.
Attiré par les textes contemporains méconnus, et jugeant alors que le travail des classiques « n'est pas d'urgence », il se tourne aussi, en germaniste, vers les Allemands du xixe siècle (La Mort de Danton de Büchner en 1975 ; Georg Büchner-Parcours complet, en collaboration avec B. Chartreux, G. Milin et J.-P. Vincent, 2004) ou des années 1900 (création de La Danse de mort de Wedekind, 1974).
Il codirige dès 1975 le Centre national de Toulouse, associé à Maurice Sarrazin. La Fabrique fonctionne alors sous forme « d'ateliers d'acteurs » reposant sur l'intervention créative de chacun des participants. Dans cet esprit, Parcours sensible (1975), est un essai sur l'esthétique et la politique russes des années 1920, où les textes de Tchekhov et de Maïakovski croisent ceux d'Isaac Babel.
Au bout de trois ans, Bruno Bayen ne prolonge pas son mandat. Le désaccord avec Sarrazin est complet ; les dettes s'accumulent. Ses déboires lui inspireront sa mise en scène du Torquato Tasso de Goethe (1976), où résonne le thème de l'artiste brisé par le pouvoir étatique. Suivra La Mouette de Tchekhov (1978), où l'accent est mis sur la rivalité littéraire qui oppose Treplev à Trigorine.
Le renoncement aux charges institutionnelles permet à Bayen, en homme de lettres qu'il est avant tout, de se consacrer à l'écriture dramatique ou romanesque (Restent les voyages, 1990 ; Hernando Colón, enquête sur un bâtard, 1992 ; Le Pli de la nappe au milieu du jour, 1997 ; Les Excédés, 1998 ; La Vie sentimentale, 2002 ; Fugue et rendez-vous, 2011), et à la traduction (Handke, Goethe, Lukas Bärfuss).
Collaborant fréquemment avec le dramaturge Louis-Charles Sirjacq, il crée Square Louis-Jouvet (1979), écrit la seconde partie d'un diptyque, Les Fiancés de la banlieue ouest (1981), errance urbaine ponctuée de lieux de transits (un hôtel) et soutenue par une écriture romanesque. Schliemann, épisodes ignorés (1982) est une variation pour happy few autour de la quête du découvreur de Troie, une biographie intime et éclatée interprétée par Antoine Vitez. L’œuvre sera transposée en 1995 à l’opéra par Betsy Jolas. Faut-il choisir, faut-il rêver ? (1984) déconstruit le dialogue et le bavardage dramatiques autour de la figure d'une femme en deuil. Représentés simultanément dans deux théâtres parisiens en 1992, L'Enfant bâtard et Weimarlanddéveloppent une réflexion sur « la dérive à l'ouest » du monde européen, à travers les découvertes de Christophe Colomb et la réunification allemande. Cette réflexion sur l’histoire[...]
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Écrit par
- David LESCOT : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre
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