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CREMER BRUNO (1929-2010)

Bien qu'il ait fait auparavant quelques apparitions à l'écran, la première image que le spectateur de cinéma retint de Bruno Cremer fut celle de l'adjudant Willsdorf dans La 317e Section de Pierre Schoendoerffer (1964). Il campait dans ce film un sous-officier de carrière baroudeur et désabusé, avec une authenticité telle qu'on pouvait croire qu'il avait réellement suivi une carrière militaire avant de se consacrer sur le tard, à trente-cinq ans passés, au métier d'acteur. Il n'en était rien.

Né le 6 octobre 1929 à Saint-Mandé, Bruno Cremer est le cadet de trois enfants d'une famille bourgeoise franco-belge. Il passe une enfance et une adolescence sans histoire dans un parfait confort matériel, quoique, à la lecture de Un certain jeune homme, un recueil de souvenirs qu'il a publié en 2000, il évoque un mal-être, un besoin « de rêve, de fantastique, d'extravagance pour respirer ». Après qu'il a découvert, au collège, à l'âge de quinze ans, le plaisir de jouer sur scène, la rencontre avec une pensionnaire de la Comédie-Française décide de sa vocation. Au terme de ses études secondaires, il entre au Conservatoire national supérieur d'art dramatique. Là, il a pour condisciples Annie Girardot, Jean-Paul Belmondo, Jean-Pierre Marielle, Claude Rich et Jean Rochefort. Peu après sa sortie du Conservatoire, il débute au théâtre dans Robinson de Jules Supervielle. Après avoir joué Oscar Wilde, Alfred de Vigny, Jean Anouilh, William Shakespeare, George Bernard Shaw et Georges Soria sous la direction, entre autres, de Michel Bouquet, Jean Négroni et Jean-Marie Serreau, il s'affirme, en 1959, dans Becket, ou l'Honneur de Dieu de Jean Anouilh, avant de se consacrer au cinéma et à la télévision. Ce qui ne l'empêchera pas de revenir, de temps à autre, à ses premières amours : en 1971, dans Alpha beta de E. A. Whitehead, en 1981, dans Bent de Martin Sherman, où il incarne un homosexuel persécuté par les nazis, en 1990, dans Love Letters d'Albert Ramsdell Gurney et, en 1999, dans Après la répétition d'Ingmar Bergman.

Bruno Crémer - crédits : Coll. Tout le cinéma/ D.R.

Bruno Crémer

Après avoir fait de la figuration, Bruno Cremer débute réellement au cinéma, en 1957, dans Quand la femme s'en mêle de Marc Allégret. Sept ans après, sept ans durant lesquels il n'est apparu que dans deux films, il est révélé au grand public avec La 317e Section. Ce succès est cependant un piège : on ne lui propose plus que des rôles de militaire, de policier, d'agent secret, d'aventurier, de « durs à cuir », ce à quoi semble le prédisposer son physique de « heavy » (méchant au physique impressionnant). Il est grand, massif, a le regard clair et perçant, le nez en bec d'aigle, une petite cicatrice à la lèvre supérieure, la voix grave au timbre métallique. Son jeu économe et subtil, est fondé sur la présence physique comme le fut avant lui celui d'un Jean Gabin, d'un Lino Ventura. Si les propositions qu'on lui fait alors sont essentiellement limitées à ce registre, comme il le déplorera lui-même en homme de culture aimant manier l'ironie, sa filmographie n'en est pas moins riche de films qui relèvent aussi bien du cinéma grand public que de l'art et essai. Ils sont signés par des cinéastes d'une grande diversité : René Allio, Bertrand Blier, Yves Boisset, Patrice Chéreau, René Clément, Costa-Gavras, Michel Deville, Jacques Doniol-Valcroze, William Friedkin, José Giovanni, Philippe Labro, Claude Lelouch, François Ozon, Claude Sautet, Luchino Visconti. Parmi ses rôles les plus intéressants, on retiendra celui de l'anarchiste Jules Bonnot dans La Bande à Bonnot de Philippe Fourastié (1969), du préfet des études, jésuite intransigeant, dans Anthracite d'Édouard Niermans (1980), du professeur séduit par une nymphette dans Noce blanche de Jean-Claude Brisseau[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma

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