DUMONT BRUNO (1958- )
Né le 14 mars 1958 à Bailleul (Nord), un court temps professeur de philosophie, Bruno Dumont réalise pendant plusieurs années des films d’entreprise et écrit quelques scénarios documentaires pour la télévision. Son premier long métrage, La Vie de Jésus (prix Jean Vigo 1997), est un film sur l’enlisement, réalisé dans la ville natale du cinéaste. Interprétés par des comédiens non professionnels habitant Bailleul, comme tous les personnages de ses premiers films, des jeunes trompent l’ennui et la chaleur par des virées en Mobylette. Prodigieuse figure, David Douche, cheveux ras, la dégaine un peu fruste, le parler elliptique et argotique, campe leur chef. Sa vérité, c’est la violence qui monte en lui dès qu’il a un guidon entre les mains. Après sa participation à la tentative de viol collectif d’une majorette, le racisme ambiant enflammera une rivalité amoureuse, amenant cet être immature à commettre un meurtre. Pourtant, après le mal s’amorce au dernier plan un mouvement vers le repentir et la grâce.
Dans L’Humanité, Pharaon – l’étonnant Emmanuel Schotté qui, de même que Séverine Caneele, a reçu le prix d’interprétation au festival de Cannes 1999 – enquête sur le viol et le meurtre d’une fillette. L’atrocité de la vision du sexe sanglant est si insupportable que le film s’ouvre sur la fuite du lieutenant de police après sa macabre découverte, le souffle de son haleine emplissant la bande-son. Le plan insoutenable ne sera asséné par le cinéaste que plus tard. Pharaon le simple est celui qui ressent, étreint les misérables et se livre finalement à leur place parce qu’il n’a que sa compréhension à offrir. Son humanité apparaît d’abord comme un désir de percer le mystère du lien indéfectible qui existe entre l’esprit et ce corps tyrannique qui l’encombre, alors que d’autres savent en tirer du plaisir ou de l’horreur.
Après avoir interrogé le spirituel (La Vie de Jésus) et l’humain (L’Humanité), Bruno Dumont filme le bestial et le sauvage dans un désert au fin fond des États-Unis, à travers le corps à corps muet de deux amants (TwentyninePalms, 2003). Puis ce sera à nouveau dans la glaise que les protagonistes de Flandres (2006) trouveront une sorte de révélation spirituelle lorsque Demester, entre halètements et sanglots retenus, parviendra à bredouiller par deux fois « je t'aime » dans un final qui évoquera celui de Pickpocket (1959) de Robert Bresson. Il aura fallu auparavant que l’atroce et la peur se conjuguent en montage parallèle : l’avortement et l’enfermement psychiatrique pour la jeune femme dans les brumes du Nord, les abominations de la guerre pour lui dans les sables du Sud. Cruauté, désespoir et barbarie de l’ordinaire, non seulement entourent les êtres, mais les pénètrent. Quant aux rapports à la religion, ils sont de l’ordre de l’éblouissement – Hadewijch (2009), titre qui renvoie à une mystique flamande du xiiie siècle – ou du surnaturel (le vagabond guérisseur et assassin de Hors Satan, 2011).
Ces six longs métrages forment un bloc esthétique compact d’une noirceur terrible, sans horizon social, d’une violence psychique sidérante et exprimant une vision métaphysique du monde sous l’emprise du mal absolu. Mais lorsque, en 2013, Juliette Binoche interprète le personnage historique de Camille Claudel(dans Camille Claudel 1915), Bruno Dumont amorce une mutation profonde de son œuvre, à la croisée de drôles de chemins qui bifurquent entre cinéma et télévision. P’tit Quinquin (2014) est une minisérie d’un burlesque ébouriffant ; le cinéaste semble se caricaturer lui-même en montrant deux gendarmes loufoques lancés dans des lieux et des personnages de ses films précédents. Une saison 2 rendra la farce encore plus forte en goût (Coincoin et les z’inhumains, 2018). Entre les deux, Ma Loute (2016) confronte une improbable famille de pêcheurs[...]
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Écrit par
- René PRÉDAL : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen
Classification
Média
Autres références
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FLANDRES (B. Dumont)
- Écrit par Pierre GRAS
- 1 025 mots
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