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SCHULZ BRUNO (1892-1942)

Né à Drohobycz (Galicie orientale), dans une vieille famille juive pratiquante, Bruno Schulz s'est spécialisé en dessin et en lithographie. En 1924 il s'établit professeur de dessin dans sa ville natale et y resta jusqu'à sa mort en 1942, date à laquelle il fut tué par un nazi dans le ghetto de Drohobycz.

Bruno Schulz commença à écrire en 1925-1926, mais son premier livre, Les Boutiques de cannelle, ne fut publié qu'en 1933. Le succès de ce livre lui permit de faire son entrée dans les milieux littéraires de Varsovie et de rencontrer Gombrowicz, Witkiewicz, Breza, Nowaczynski, Słonimski, Tuwim. Introduit en 1933 par Z. Nałkowska dans le groupe littéraire Banlieue, Bruno Schulz fut tenté un moment par la critique littéraire, comme en témoignent ses essais consacrés à Gombrowicz, Nałkowska, Bernanos, Mauriac, Huxley et Kafka, mais l'essentiel resta pour lui la création romanesque. De son premier roman, Le Messie (1934), ne subsistent que deux fragments, intégrés ultérieurement dans Le Sanatorium au croque-mort (1936). Son œuvre se résume donc à deux ouvrages, Les Boutiques de cannelle et Le Sanatorium au croque-mort, plus quelques récits, dont un en allemand (Heimkehr), publiés dans des revues littéraires de l'époque. En ce qui concerne son œuvre picturale, elle a également disparu à l'exception de quelques dizaines de dessins influencés par l'expressionnisme et réunis dans un album paru en 1920-1921 sous le titre Livre idolâtre.

Les Boutiques de cannelle et Le Sanatorium au croque-mort ont en commun un même narrateur qui relate ses aventures dans une petite ville de province d'avant la Première Guerre mondiale, ville qui à bien des égards rappelle Drohobycz. De même, le milieu familial (le père, la mère, la gouvernante Adèle) présente de fortes ressemblances avec celui de Schulz. N'obéissant à d'autre logique que celle du rêve, le narrateur fait peu à peu surgir l'univers de son enfance dans un va-et-vient continu entre le réel et l'irréel. C'est ainsi que la gouvernante Adèle devient l'incarnation de la féminité imposante et dominatrice, alors que le père fait tour à tour figure de prophète et d'hérésiarque et finit par s'enfermer dans son propre univers, aussi fabuleux qu'insolite. Le narrateur, qui porte le nom symbolique de Joseph, vit sa jeunesse comme une aventure spirituelle où les tabous de l'Ancien Testament entrent constamment en conflit avec l'exubérance de sa nature sensuelle. C'est précisément dans cette tension entre l'interdit et le désir que surgit l'élan créateur : au début, il ne s'agit guère que de la production maladroite de formes inédites, par exemple les nouvelles espèces d'oiseaux difformes que le père essaie de réaliser. Mais ces premières tentatives vont ensuite être relayées par d'autres recherches. Joseph est en effet hanté par le souvenir indistinct d'un « livre parfait ». Ce livre symbolique, rival de la Bible, recèle tous les trésors d'une mythologie personnelle élaborée au cours de l'enfance, l'« époque géniale », et qui se greffe sur la mythologie universelle. Le pouvoir mythifiant que Schulz confère ainsi au langage fait de son œuvre une véritable cosmogonie poétique : dans la prolifération incessante des mots surgit un monde en mouvement auquel répond le dynamisme de la métaphore.

L'œuvre de Schulz présente des affinités avec les tendances expressionnistes et modernistes des écrivains de la monarchie austro-hongroise, tels que Rilke, Musil, et surtout Kafka auquel il a souvent été comparé et dont il a traduit Le Procès. Tous deux, peut-être en raison de leurs origines juives, sont très sensibles à l'aliénation et à la solitude radicale qui menacent l'être humain. Mais, chez Schulz, la déformation expressionniste du monde n'est que la[...]

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