WALTER BRUNO (1876-1962)
Au sein d'une génération de chefs d'orchestre qui assura la transition entre le xixe et le xxe siècle, Bruno Walter a incarné une approche mesurée, à mi-chemin des deux tempéraments extrêmes que représentaient Furtwängler et Toscanini. Disciple de Mahler, grand mozartien, il plaça toute sa carrière sous le signe de la recherche de l'équilibre et de la perfection, sans pourtant gommer l'héritage passionné des conceptions romantiques dans lesquelles il avait été bercé pendant toute sa jeunesse.
Dans l'ombre de Mahler
Bruno Walter Schlesinger voit le jour à Berlin le 15 septembre 1876. Il fait ses études musicales au conservatoire Stern de sa ville natale avec Heinrich Ehrlich ( piano), Ludwig Bussler (théorie) et Robert Radeke (composition et direction) ; il reçoit notamment une solide formation de pianiste. Il s'immerge dans les écrits du théoricien Heinrich Schenker et découvre la musique de Wagner (interdite au conservatoire !) à la Bibliothèque royale de Prusse. Dès l'âge de neuf ans, il donne ses premiers concerts et, à treize ans, il joue le Concerto en mi bémol de Ignaz Moscheles avec l'Orchestre philharmonique de Berlin.
Pendant toute sa vie, il continuera à se produire comme pianiste. Mais ses parents s'opposent à une carrière d'enfant prodige. En 1889, il entend Hans von Bülow et décide alors de devenir chef d'orchestre. Une bourse lui permet d'assister à des représentations du festival de Bayreuth de 1891. En 1893, il est engagé comme répétiteur à l'Opéra de Cologne, où il fait ses débuts dans une fosse d'orchestre en dirigeant Der Waffenschmied (L'Armurier) de Gustav Albert Lortzing. Un an plus tard, il est nommé répétiteur puis chef de chœurs à l'Opéra de Hambourg, où Gustav Mahler est alors directeur général de la musique. Il devient le pianiste attitré de celui-ci et les deux hommes se lient d'une amitié profonde. Sur les conseils de Mahler, il décide alors de changer de nom, adoptant le pseudonyme de Walter, en référence au personnage des Maîtres chanteurs de Nuremberg. Amené à remplacer un chef malade dans Cavalleria Rusticana, il commence à diriger régulièrement les opéras-comiques.
Il est deuxième chef à Breslau (1896-1897) puis premier chef à Presbourg [aujourd'hui Bratislava] (1897-1898) et à Riga (1898-1900) avant d'être nommé, en 1900, à la Staatsoper de Berlin, où il partage le pupitre avec Richard Strauss et Karl Muck. C'est à Berlin qu'il dirige son premier concert symphonique et son premier Ring. Il y effectue aussi ses premiers enregistrements (entractes de Carmen). Un an plus tard, Mahler lui propose de le rejoindre à Vienne, où il restera attaché à la Hofoper, d'abord comme assistant du directeur puis comme chef d'orchestre, entre 1901 et 1913. Dans la capitale autrichienne, il doit surmonter les premières véritables difficultés de sa carrière : auparavant, il avait toujours résolu ses problèmes en quittant le poste où il rencontrait des obstacles. Vienne est son premier contrat de longue durée et, malgré la tentation d'accepter une proposition de l'Opéra de Cologne, il parvient, notamment grâce à Freud, à trouver cette confiance en soi qui fait la force des grands chefs d'orchestre. Il participe au renouveau du théâtre lyrique prôné par Mahler et dirige tout le répertoire dans l'ombre de celui-ci. À Vienne, il continue à se produire comme pianiste, donnant de nombreux concerts de musique de chambre avec le violoniste Arnold Rosé et son quatuor à cordes. Il a aussi l'occasion de jouer avec Pablo Casals. En 1911, il adopte la nationalité autrichienne.
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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