BUFOTÉNINE
Alcaloïde indolique isolé pour la première fois des glandes cutanées des crapauds (Bufo sp.). Il s'agit, en réalité, d'un dérivé de la sérotonine, la N,N-diméthyl-sérotonine.
Administrée à l'homme, la bufoténine provoque des effets mixtes, périphériques et centraux, de courte durée. La dilatation pupillaire, des mouvements oscillatoires des yeux (nystagmus), des nausées, des troubles respiratoires et une hypersudation se manifestent dans les dix minutes qui suivent la prise de la drogue. Simultanément, le sujet présente des hallucinations, essentiellement liées à des distorsions des perceptions visuelles. Ces effets psychodysleptiques sont mis à profit par certaines tribus de l'Orénoque : un tabac préparé à partir des graines et des feuilles d'une mimosée (Piptadenia peregrina) est donné aux guerriers pour « stimuler leur frénésie au combat et assurer leur invincibilité ». Cette mixture s'est révélée contenir la bufoténine parmi d'autres dérivés indoliques méthylés.
Les modifications comportementales provoquées par les psychodysleptiques rappellent celles qui caractérisent la schizophrénie. Ce fait a conduit certains auteurs à penser que ce syndrome est dû à l'apparition de composés psychodysleptiques endogènes dans le système nerveux central. Chez l'homme, comme chez le rat, les enzymes nécessaires à la synthèse, à partir de la sérotonine de dérivés indoliques hallucinogènes, comme la N,N-diméthyltryptamine et la bufoténine, existent surtout au niveau des poumons, mais également dans le cerveau ; il s'agit notamment de la N-méthyle transférase, enzyme capable de méthyler les tryptamines. En outre, tout à fait récemment, ces dérivés ont pu être mis en évidence dans le cerveau. À l'heure actuelle, certaines données expérimentales soutiennent cette théorie : d'une part, l'urine des schizophrènes contient des quantités non négligeables de ces dérivés indoliques méthylés ; d'autre part, l'administration d'un inhibiteur de la monoamine oxydase (IMAO) augmente à la fois les symptômes de la psychose et les quantités de bufoténine et de N,N-diméthyltryptamine excrétées dans l'urine. Chez les schizophrènes, le catabolisme des indole-amines (sérotonine et tryptamine) par N-méthylation serait activé au point de faire apparaître dans le système nerveux central des psychodysleptiques endogènes (bufoténine et diméthyltryptamine) en quantité suffisante pour modifier l'activité de certains systèmes de neurones.
Récemment, E.-F. Torrey et M. Peterson ont émis l'hypothèse que les virus lents seraient l'une des causes de la schizophrénie ; ce n'est là qu'une hypothèse, qui demande à être très sérieusement vérifiée.
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Écrit par
- Michel HAMON : docteur ès sciences naturelles, agrégé de physiologie-biochimie, maître de recherche à l'I.N.S.E.R.M.
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