BUGATTI CARLO (1856-1940) & REMBRANDT (1884-1916)
Né à Milan d'un père qui essaya toute sa vie de prouver le mouvement perpétuel, Carlo Bugatti suivit d'abord les cours de l'Académie Brera, puis s'inscrivit à l'École des beaux-arts de Paris. Il s'intéresse d'abord à l'architecture avant de se tourner vers le mobilier avec une volonté d'exotisme sans précédent ni suite dans le décor intérieur européen. Sa source d'inspiration se situe incontestablement en Orient, mais Carlo Bugatti ne s'expliquera jamais sur ce point et on sait qu'il ne voyagea pas hors d'Europe. L'utilisation de l'arc outrepassé de l'architecture islamique se retrouve certes chez plusieurs artistes de l'Art nouveau, Guimard et Mucha entre autres, mais le gainage des meubles avec de la peau de chameau, le bois incrusté de métal, les colonnettes, mosquées et minarets indiquent un centre d'intérêt qui n'est pas celui de ses contemporains, surtout fascinés par le Japon. S'ajoute à ces emprunts « mauresques » une débauche de passementerie et de glands, note kitsch contre laquelle luttaient justement les novateurs de 1900.
À l'Exposition universelle de 1900, à Paris, Carlo Bugatti avait obtenu une médaille d'argent. Il triompha également à Turin, en 1902 : il avait présenté quatre chambres dont celle baptisée Escargot car elle reproduisait les différentes parties de la coquille de ce gastéropode. Bientôt, Carlo Bugatti cède son affaire de Milan pour s'installer à Paris. Le meuble ne sera plus sa principale activité. Il se lance dans l'argenterie où il succombe à l'un des tics les plus caractéristiques de l'Art nouveau : l'emploi systématique de la reproduction des insectes — cette fois, ils viennent de notre terroir. À quatre-vingts ans, en 1937, le maître vient s'installer en Alsace, à Molsheim, où son fils Ettore avait monté sa fameuse usine. C'est là qu'il mourut en 1940.
Génie créateur des plus singuliers, Carlo Bugatti fut aussi un père comblé. Le rôle de son fils Ettore dans la légende de l'automobile est parfaitement connu, mais beaucoup moins la place du deuxième, Rembrandt, dans le petit groupe des sculpteurs animaliers européens du début du xxe siècle.
Autodidacte mais initié à la sculpture par le prince Troubetzkoï, ancien élève de Rodin, le jeune Rembrandt découvrit tout de suite sa voie. En 1901, sa première œuvre fondue est une vache. À Paris, il va être pris en main par Adrien Hébrard qui possède à la fois le journal Le Temps, une fonderie et une galerie rue Royale. Rembrandt accepte de signer un contrat d'exclusivité : il touche un salaire régulier et un droit sur la vente de chaque sculpture.
Littéralement envoûté par le monde animal, le jeune maître trouve insuffisant le parc zoologique du Jardin des Plantes de Paris. Il part pour Anvers où la direction du zoo se montre très accueillante à l'égard des artistes. Ce sera, de 1907 à 1914, la partie la plus créatrice de sa courte vie : une faune complète sortira de ses mains. De retour à Paris, au début de la guerre, Rembrandt se suicide dans son atelier de Montparnasse, le 8 janvier 1916. Ignoré des dictionnaires spécialisés, Rembrandt Bugatti a laissé un bestiaire qui égale celui de Barye ou de Pompon. Entre le réalisme et la stylisation, il y avait place pour une sorte d'impressionnisme sculptural et elle n'a appartenu qu'à lui.
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Écrit par
- Roger-Henri GUERRAND : professeur émérite à l'École d'architecture de Paris-Belleville
Classification
Autres références
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ART NOUVEAU
- Écrit par Françoise AUBRY
- 8 824 mots
- 23 médias
...Crafts. L'art de la céramique fut particulièrement illustré par deux firmes : l'Arte delle Ceramica de Galileo Chini (Florence) et Richard Ginori (Milan). L'œuvre de Carlo Bugatti est étrangère à toute classification : le mobilier est recouvert de parchemin, calligraphié de motifs japonisants, les...