ECEVIT BÜLENT (1925-2006)
Homme politique turc, Bülent Ecevit est aussi poète et critique d'art. Taxé de rêveur par ses adversaires, il se révèle être un redoutable tacticien. Il écrit des poèmes exaltant l'amitié gréco-turque, mais n'hésite pas à envoyer ses armées envahir la moitié de Chypre et à risquer une guerre avec la Grèce. Les multiples facettes de sa riche personnalité lui ont acquis en quelques années une réputation internationale plutôt flatteuse.
Originaire de la moyenne bourgeoisie stambouliote, il naît et grandit dans un milieu intellectuel proche de la politique. Son père est médecin et député, sa mère est peintre. Il fait ses études au Robert College, vieille et solide institution américaine d'Istanbul, puis suit des cours de littérature anglaise à l'université d'Ankara. De 1946 à 1950, il séjourne comme attaché de presse à l'ambassade de Turquie à Londres. Il y fréquente l'aile gauche du Labour Party et le groupe du New Statesman. En 1957, il suit des cours à l'université Harvard, aux États-Unis, où il fait la connaissance de Henry Kissinger.
Chroniqueur politique à Ulus, quotidien du Parti républicain du peuple (C.H.P.), il est remarqué par le leader de cette formation, Ismet Inönü, et élu député en 1957. Ainsi débute une étroite collaboration entre le prestigieux compagnon d'Atatürk et le jeune journaliste ; elle prendra fin en 1972 par un affrontement qui se termine par la victoire du disciple sur le maître.
Ecevit participe dès 1959 à la direction du C.H.P. Entre 1961 et 1965, il est ministre du Travail dans les trois gouvernements de coalition dirigés par Inönü, et il réussit à faire adopter une série de lois en faveur des travailleurs dans un pays où les droits syndicaux les plus élémentaires sont ignorés. Il est également actif dans l'appareil du C.H.P., dont il est élu secrétaire général en 1966, à un moment où ce parti commence à subir une timide évolution vers le centre gauche. Sous son impulsion, cette tendance vers la social-démocratie s'accentue. Ecevit renouvelle méthodiquement l'appareil du parti. Il élimine les notables et les propriétaires terriens au profit de dirigeants locaux qui partagent sa philosophie politique, visant à faire participer les citoyens à la gestion du pays, et ses conceptions socioéconomiques égalitaires. L'intervention des militaires dans la politique turque, le 12 mars 1971, l'interrompt dans ce travail. Il se dresse immédiatement contre cette intrusion de l'armée dans la vie politique et démissionne de son poste de secrétaire général. Mais il garde le contrôle de l'appareil du C.H.P., qui l'élit à la présidence du parti en mai 1972 contre Ismet Inönü.
Sa politique d'ouverture vers les masses est une réussite, et le C.H.P. gagne les élections d'octobre 1973 devant le Parti de la Justice (P.J.) de Süleyman Demirel. Ne disposant pas de la majorité absolue, il est obligé de former une coalition avec le Parti du Salut national, de tendance islamique, et il éprouve de grandes difficultés pour mettre en œuvre sa politique de réformes économiques et sociales et pour réorienter la politique extérieure turque vers une indépendance accrue vis-à-vis des États-Unis. Il choisit alors de démissionner en septembre 1974. Pendant son bref passage aux affaires, il doit faire face à la crise de Chypre de juillet 1974. Réagissant avec une très grande détermination, il opte pour l'intervention militaire.
Aux élections partielles de 1975, le parti de Bülent Ecevit recueille davantage de suffrages, et il est donné gagnant aux élections générales de juin 1977. Ecevit manque cependant de peu la majorité absolue au Parlement et doit se résigner à rester dans l'opposition face à la coalition de trois partis de droite.
Il est appelé une seconde fois au pouvoir en janvier 1978, lorsque la coalition[...]
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Écrit par
- Ali KAZANCIGIL
: politologue, essayiste, directeur de la revue
Anatoli : de l'Adriatique à la Caspienne
Classification
Médias
Autres références
-
TURQUIE
- Écrit par Michel BOZDÉMIR , Encyclopædia Universalis , Ali KAZANCIGIL , Robert MANTRAN , Élise MASSICARD et Jean-François PÉROUSE
- 37 012 mots
- 22 médias
Les élections générales d'octobre 1973 donnèrent la victoire au Parti républicain du peuple, conduit par Bülent Ecevit, rendu très populaire par son opposition de la première heure au régime du 12 mars 1971. Le PRP, à la tête duquel Ecevit avait remplacé en mai 1972 Ismet Inönü, chef historique...