Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BURDJ

Élément principal des fortifications élevées en terre d'Islam dans les années postérieures à la conquête, le burdj subit comme celles-ci les transformations successives imposées par l'évolution de la technique militaire. Le terme désigne tantôt une tour qui flanque le rempart, tantôt un ouvrage haut et solide, donjon, bastion ou tour isolée. On trouve en Orient des tours massives et arrondies dès le viiie siècle dans les châteauxomeyyades de Syrie et en Iraq à Ukhaydir. Leur origine semble remonter au moins aux Sassanides. De dimensions restreintes, les tours de ces résidences princières, disposées symétriquement sur la façade ou encadrant les portes, diffèrent des tours de défense romaines et byzantines qui sont pourvues à tous les étages de pièces aisément accessibles aux hommes de la garnison. Ces tours omeyyades parfois cloisonnées en appartements ont une efficacité militaire médiocre, car les réduits du rez-de-chaussée sont difficiles d'accès. La plupart des monuments de l'époque abbasside, construits en brique, ont disparu ; les quarante-quatre tours semi-circulaires de la grande mosquée élevée au ixe siècle à Samarra par le calife al-Mutawakkil sont parmi les rares vestiges qui subsistent de cette époque. Dans les fortifications médiévales, nous retrouvons le dispositif déjà employé par les Byzantins des tours de flanquement. Selon les régions et les époques, ces tours sont carrées et oblongues ou bien rondes et semi-circulaires. À la veille des croisades, au Caire, le vizir fatimide Badr al-Djamali fait construire des tours des deux types. Les saillants de cette époque s'élèvent à plus de 17 mètres, soit deux fois la hauteur de l'enceinte. Les croisades firent faire de grands progrès à la technique des défenses. Au xiie siècle, l'enceinte de Damas est renforcée par des tours de base carrée, à front semi-circulaire. Avec Saladin apparaît une formule nouvelle, celle de petites tours semi-circulaires élargies vers la base, d'un diamètre d'environ 7 mètres et comportant deux étages sur plan cruciforme dont une branche sert de porte d'accès, les trois autres, couvertes en berceau, étant des réduits avec archère. Sous les Ayyoubides, le renouveau de l'art militaire est très remarquable. On retrouve le mâchicoulis qui existait en Syrie avant l'islam et qui avait disparu depuis le ixe siècle. Les tours vont atteindre des proportions impressionnantes. À la citadelle du Caire, ce sont de véritables bastions à deux étages, presque carrés (plus de 25 m de côté), à cheval sur le mur de Saladin (Suffa, al-Karkyalan et al-Zafar). À Damas et à Bosra, les épaisses murailles, hautes de 25 mètres, forment des saillants oblongs de 27 mètres sur 13 ; chacun comprend trois grandes salles voûtées superposées avec archères, bretèches et mâchicoulis, sous une terrasse à créneaux dominant le sol de 18 mètres. Après l'invasion mongole, à la fin du xiiie siècle, les sultans mamelouks du Caire remettent les défenses en état et construisent des tours puissantes le long de la côte syrienne (burdj al-Siba de Tripoli, xve s.). Ces burdj subissent des changements lors de l'apparition des armes à feu et des pièces d'artillerie. À partir du xvie siècle, la paix ottomane amène l'arrêt de toute nouvelle fortification dans le bassin oriental de la Méditerranée.

— Nikita ELISSÉEFF

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Lyon

Classification