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BURLA, littérature

Le terme espagnol burla désigne aussi bien la moquerie que la tromperie. Sur le plan littéraire, il est employé pour caractériser de façon large toute la matière facétieuse issue de la mise en œuvre de ces deux ressorts, matière longtemps indispensable pour la structuration d'une intrigue, hors des domaines nobles de la comédie héroïque et de la fiction idéaliste. Il s'agit d'un concept clé pour l'analyse de la littérature espagnole de l'époque classique, et cela que l'on s'intéresse au théâtre (comédie d'intrigue, intermèdes), aux récits picaresques ou au Don Quichotte. En raison de la généralité du concept et de la polysémie du terme, la critique spécialisée d'expression française tend à utiliser pour le rendre le terme vieilli de bourle.

Tout comme les gags des récits filmiques, la burla a pour effet de dynamiser les structures narratives dans lesquelles elle s'insère. Des gags elle aurait d'ailleurs aussi le caractère codé et les inépuisables possibilités de renouvellement. La différence, et elle est essentielle, tient au fait que l'univers de la burla est régi par un ensemble de lois qui découlent des théories classiques sur le rire et le divertissement honnête. La divulgation de ces théories est assurée par le double canal des œuvres doctrinales, qui codifient notamment la plaisanterie licite et illicite, et des traités d'urbanité, qui prescrivent au courtisan de savoir se divertir tout en mesurant sa conduite et ses propos. Les codifications issues des considérations consacrées au concept aristotélicien d'eutrapelia ont une incidence directe sur le développement d'une véritable casuistique de la burla, qui se reflète en particulier dans les efforts de théorisation embryonnaires dont son emploi se trouve accompagné. C'est ainsi, par exemple, que le seul examen des épithètes employées pour qualifier la burla fait apparaître une typologie riche d'enseignement sur les filtres idéologiques à travers lesquels la matière festive est appréhendée. Il va de soi que cette typologie ne se fait pas dans l'abstrait et qu'elle met en cause la position que les parties concernées par la burla occupent dans la société. Comme tout domaine régi par un ensemble de conventions assez strictes, la burla est en outre un terrain qui permet de départager les créateurs inventifs des esprits routiniers. Cervantès, par exemple, fera toujours des mécanismes de la burla un usage singulièrement subversif.

Si dans sa partie non verbale (la tromperie) la burla suppose des confrontations dont les enjeux, même s'ils demandent à être resitués historiquement, peuvent apparaître dotés d'une universalité qui les rend malgré tout aisément compréhensibles, la burla verbale, qui s'appuie sur un répertoire varié des formes de plaisanteries, exige pour sa restitution un véritable travail d'archéologie lexicale.

— Monique JOLY

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Écrit par

  • : professeur à l'Université de Lille-III (littérature espagnole des XVIe et XVIIe siècles)

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