BURLESQUE, esthétique
Mode littéraire qui a fait fureur en France au xviie siècle pendant une dizaine d'années (env. 1643-1653). À genre nouveau, mot nouveau : le terme lui-même est emprunté à l'italien et introduit dans la langue (ou plutôt réintroduit, car il avait déjà été employé, mais avec un sens différent) par Sarrasin à la même époque. Il désigne « l'explication des choses les plus sérieuses par des expressions tout à fait plaisantes et ridicules » ; il s'agit d'un style « bas et plaisant, non pas naturellement, mais par affectation et gentillesse d'esprit » (Naudé). C'est Scarron qui introduit le genre en France (même si Voiture et, bien avant lui, Marot avaient pu être burlesques sans le savoir et si, en même temps que Scarron, d'autres — Ménage, Saint-Amant, Sarrasin... — ouvrent des voies analogues) : celui qui sera l'auteur du Roman comique publie en 1643 un Recueil de quelques vers burlesques, en 1644 le Typhon et, surtout, en 1648, les deux premiers chants de son Virgile travesty. Il y décrit la fuite d'Énée « chargé de tous ses dieux / Et de monsieur son père Anchise, / Beau vieillard à la barbe grise », invoque sa « petite muse au nez camard / Qui [l'a] fait auteur goguenard » et entreprend de récrire L'Énéide de cette manière impertinemment familière à l'aide de ces octosyllabes sautillants. L'œuvre, qui restera inachevée (le huitième et dernier chant paraîtra en 1652), apparaît comme le modèle du genre ; son succès détermine à la fois une restriction et une extension abusive du champ du burlesque — et, du même coup, une curieuse ambiguïté dans l'histoire des genres littéraires. D'un côté, en effet, on voit, de 1649 à 1653, se multiplier les parodies des grands poètes anciens : Virgile encore (imitant et tentant souvent de devancer Scarron, plusieurs auteurs traduisent un certain nombre de chants de L'Énéide « en vers burlesques »), mais aussi Ovide (D'Assoucy, qui a déjà écrit un Jugement de Pâris, publie en 1650 l'Ovide en belle humeur), Lucain (Brébeuf, auteur de l'emphatique Pharsale, 1653, adaptation du poème de Lucain, parodiera son propre modèle dans son Lucain travesty, après s'être essayé lui aussi sur L'Énéide) ; enfin, Charles et Claude Perrault publient en 1653 le premier chant des Murs de Troie ou l'Origine du burlesque. Le terme « burlesque » continuera à désigner, au sens strict, ces parodies d'œuvres révérées, jouant sur le contraste entre la noblesse du sujet et la bassesse du ton adopté (beaucoup plus tard, Marivaux écrira encore un Homère travesti ou l'Iliade en vers burlesques, ainsi, semble-t-il, qu'un Télémaque travesti). Mais, d'un autre côté, en raison du triomphe du genre, tout à l'époque devient burlesque. La confusion est facilitée par l'emploi de l'expression « vers burlesque » pour distinguer, par opposition au « vers héroïque » qu'est l'alexandrin, l'octosyllabe, si généralement utilisé dans les œuvres burlesques que Brébeuf, qui écrit son Lucain travesty en vers de sept pieds, se croit tenu de s'en excuser. On sera donc tenté — et on continuera à l'être — d'appeler « burlesque » toute œuvre familière, badine ou bouffonne écrite en octosyllabes. Même celles qui relèvent de l'héroï-comique, alors que l'héroï-comique est fondé lui aussi sur un contraste, mais un contraste inverse, entre la bassesse du sujet et la noblesse — ou la grandiloquence — du ton. Qui plus est, vers 1650, les pièces ou les gazettes les plus grotesques et les plus grossières se parent du nom de « burlesques », en particulier les pamphlets contre Mazarin, ou « mazarinades ». Ces excès, ces scandales (on voit paraître une Passion de Notre-Seigneur en vers burlesques)[...]
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Écrit par
- Bernard CROQUETTE : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII
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