BURMARINA
Le site de Tell Shioukh Faouqāni (Burmarina) en Syrie se situe sur la rive gauche de l'Euphrate, en bordure du fleuve, à 5 kilomètres de la frontière syro-turque. De taille moyenne (12 ha), il comprend une ville basse et une butte principale (350 m × 250 m), le tell proprement dit s'élevant à 25 mètres au-dessus de la plaine environnante, composée d'un ensemble de niveaux d'occupation dont les plus anciens datent de la fin du IVe et du début du IIIe millénaire avant J.-C., et les plus récents de l'époque médiévale (xe s. de notre ère). Depuis 1994, une équipe franco-italienne, puis française seulement (à partir de 1998), a fait des découvertes importantes sur les cinq chantiers qu'elle a ouverts dans différents secteurs du site. Elles concernent trois périodes clés de l'histoire du Proche-Orient ancien : la fin du Chalcolithique et les débuts de l'Âge du bronze ancien (IVe-IIIe millénaire av. J.-C.), l'Âge du bronze récent (xve-xiiie s. av. J.-C.) et l'Âge du fer (viiie-vie s. av. J.-C.). Ces périodes seront évoquées ici dans l'ordre de leur découverte, de la plus récente aux plus anciennes.
Les niveaux de l'Âge du fer (VIIe siècle av. J.-C.)
La ville de Burmarina identifiée
« ... Quittant la ville de Til-Barsip, je m'avançai vers celle de Burmarina qui appartenait à Akhuni de la tribu du Adini. J'assiégeai la ville, la pris et passai trois cents soldats par le fil de l'épée. Devant la ville, j'érigeai une pyramide de têtes coupées. Quittant la ville de Burmarina, je traversai l'Euphrate au moyen de radeaux faits de peaux de chèvre... »
C'est en ces termes que s'exprimait, dans ses annales (compte rendu annuel de campagnes militaires), le grand roi assyrien Salmanazar III (858-824 av. J.-C.), à propos de ses conquêtes au bord de l'Euphrate. La ville de Burmarina qu'il dit avoir prise était donc connue depuis longtemps par les historiens, mais personne ne pouvait savoir exactement où elle se situait. La découverte, en 1995, d'un lot d'archives tout à fait exceptionnel, au sommet du site de Tell Shioukh Faouqāni, dans une maison datant du viie siècle avant J.-C., a permis d'identifier celui-ci à la cité conquise par Salmanazar.
Les archives assyro-araméennes
Parmi la centaine de tablettes d'argile mises au jour, dont certaines sont écrites exclusivement en caractères cunéiformes assyriens, d'autres uniquement en caractères araméens, d'autres encore utilisant les deux systèmes, trois tablettes en araméen portent la séquence des cinq lettres BRMRN. L'araméen, langue sémitique occidentale, se transcrit en caractères alphabétiques (proches de ceux de l'écriture phénicienne) mais n'utilise que les consonnes. Pour lire, il faut donc intercaler des voyelles dans la séquence de consonnes. Leur choix est dicté par le contexte et la connaissance de la langue qui limitent le nombre des combinaisons possibles. Plusieurs possibilités pouvaient donc se présenter pour ce toponyme, mais le choix de Burmarina s'est vite imposé en raison de la présence de ce nom dans les annales de Salmanazar qui faisaient référence à une cité de la région, et aussi en raison de la description de cette campagne militaire dont le cadre géographique correspond parfaitement à la situation de Tell Shioukh Faouqāni.
La découverte est particulièrement intéressante car, pour comprendre l'histoire de ces régions, qui nous est relatée dans les textes, il faut pouvoir identifier les zones géographiques et situer les villes, ce qui n'est jamais donné immédiatement et fait l'objet d'hypothèses toujours très discutées. Disposer d'une documentation qui fournit ces informations est donc capital.
Le caractère rarissime de ce type de documentation lui confère par ailleurs une valeur exceptionnelle.[...]
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Écrit par
- Luc BACHELOT : chargé de recherche au C.N.R.S., directeur de la mission archéologique de Tell Shioukh Faouqâni
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Médias