KEATON BUSTER (1895-1966)
« Du mécanique, plaqué sur du vivant » : cette célèbre définition du rire par Bergson, qui pourrait mieux l'illustrer que Buster Keaton, « l'homme qui ne riait jamais » ?
Le « mécanique » fonde tous les gags de Keaton qui demeure, pour cette raison, le comique de cinéma par excellence, celui qui identifie les lois du rire à celles du « cinématographe » – au sens strict : l'art d'enregistrer le mouvement.
Mais le vivant ? Derrière le masque impassible, où subsiste-t-il, sinon sous les espèces du « sauve qui peut » ? Keaton n'avait ni la mimique, ni la tarte à la crème, ni la larme à l'œil faciles : mais, face aux calamités du monde, victime triomphante ou témoin indifférent – tel ce cameraman qui s'arrête un instant de filmer une rixe pour armer d'un couteau l'un des belligérants –, il représente l'homme et son idée fixe : subsister. E.U.
Un enfant de la balistique
Né le 4 octobre 1895 dans une petite ville du Kansas, Joseph Frank Keaton ne peut rien savoir évidemment de l'invention qui mûrit et se précise dans l'esprit d'un fabricant lyonnais de plaques photographiques nommé Louis Lumière.
Aussi, Buster Keaton se produit-il d'abord dès l'âge de trois ans sur une scène de music-hall dans le numéro de ses parents, Joe et Myra Keaton. La publicité présente Myra comme la « première femme saxophoniste d'Amérique ». Quant à Joe Keaton, on dit qu'il se sert de son fils comme projectile pour assommer des spectateurs ricanants...
Nous sommes déjà en 1903. Comment cet enfant de huit ans, rompu moralement et physiquement à toutes les disciplines de la comédie burlesque, pourrait-il voir le monde autrement que comme une gigantesque machinerie de théâtre ? Dix ans plus tard, en tout cas, il est célèbre. Broadway l'acclame dans le numéro de ses parents, et l'on attend la coupure du cordon ombilical qui le contraindra à entrer seul un jour sur la scène du Winter Garden, par exemple.
L'événement se produit en 1917, mais fait long feu. À la surprise de tous les professionnels, Buster préfère les 40 dollars hebdomadaires, qu'on lui offre pour jouer dans des courts métrages burlesques auprès de Fatty Roscoe Arbuckle, aux 250 dollars que lui vaudrait son engagement dans la très célèbre revue Shubert.
Le cinéma ne représente donc pas pour lui une consécration, comme ce fut le cas pour Charlie Chaplin, mais une vocation véritable. Il aime de toute évidence cette machine des frères Lumière qui lui ouvre un espace, des perspectives, des ciels, des horizons, un grand air dont il a besoin. Aucun théâtre au monde ne pourrait lui offrir l'océan de La Croisière du « Navigator », le champ de bataille des Lois de l'hospitalité, l'ouragan de Steamboat Bill Junior.
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Écrit par
- Claude-Jean PHILIPPE : journaliste
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Médias
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