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BUTŌ

Apparu à la fin des années 1950 sous l'impulsion de Hijikata Tatsumi (1928-1986), qui a bénéficié de la collaboration de Ōno Kazuo (1906-2010), le butō, terme très générique, rassemble des approches très différentes qui témoignent non seulement de son évolution mais aussi de démarches très personnelles qui ont contribué à caractériser cette danse dont la spécificité tient d'abord à son refus de se figer dans une forme donnée.

Les racines du butō

Si chacun se souvient des mouvements contestataires européens ou américains des années 1960, le souffle de révolte qui secoua le Japon en cette même période est moins connu. L'avant-garde japonaise, où le butō prend sa source, se nourrit d'influences étrangères qui se croisent dans une sorte d'effervescence atemporelle sinon anhistorique : la musique des Noirs américains, les écrits des surréalistes (interdits au Japon pendant les années 1930 et 1940) et de « l'enfer » de la littérature française (œuvres de Sade, Lautréamont, Bataille, Genet, Artaud...). Fruit d'une rébellion, le butō est né non pas pour évacuer la souffrance provoquée par les événements tragiques d'Hiroshima et de Nagasaki de 1945, comme on l'a souvent dit, mais des remous sociopolitiques qui secouèrent le Japon à cette époque. Le mouvement de réaction à l'anéantissement des valeurs japonaises et à l'intrusion massive de produits en provenance des États-Unis provoque des émeutes lors du renouvellement du traité de sécurité nippo-américain en 1960. Les milieux artistiques s'y mêlent activement et proposent un « anti-art » ouvrant à toutes les formes de transgressions et de lutte pour une liberté totale. De ce contexte protestataire va émerger ce qui prendra le nom de butō, inspiré des avant-gardes européennes des années 1920 et 1950 (notamment du dadaïsme et du surréalisme) et des contre-cultures, à la croisée de la littérature, des arts plastiques et du théâtre. Ces esprits subversifs occidentaux représentent aux yeux des artistes japonais avant-gardistes une critique de l'occidentalisation subie. Les premières performances de Hijikata Tatsumi, qui fondent le butō rebelle des origines, ne s'appuient pas encore sur les particularités du corps japonais ou sur la spiritualité mais sur la fureur et l'âpreté, la démesure et la violence. Elles s'opposent au rythme, à la fluidité et à la vitesse des mouvements, à la beauté musculaire imposés par le monde occidental. Dès son apparition, le butō révoque toute image euphorique du corps, découvrant sa part monstrueuse, sale, obscure.

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Écrit par

  • : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse

Classification

Autres références

  • BALLET

    • Écrit par et
    • 12 613 mots
    • 21 médias
    Dans le Japon vaincu naît une danse en opposition à l'esthétique du théâtre nō et du ballet classique occidental. Son nom,le buto, vient du groupe de recherche Ankoku Buto Ha (« la danse des ténèbres »), qui s'est créé autour de Tatsumi Hijikata (1928-1986) et Kazuo Ohno (1906-2010)....
  • HIJIKATA TATSUMI (1928-1986)

    • Écrit par
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    Avec la mort de Hijikata Tatsumi, c'est un peu de la force de l'avant-garde japonaise des années 1960 qui s'en est allée. Il ne fut pas seulement le fondateur de l'ankoku buto (signifiant « danse des ténèbres » ; plus tard abrégé en buto), mais surtout le révélateur de...

  • IKEDA CARLOTTA (1941-2014)

    • Écrit par
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    La décision de se lancer dans ce courant chorégraphique n’est pas seulement artistique. En effet, à ses débuts, le butō se veut aussi un engagement citoyen contre la société industrielle et la présence militaire américaine au Japon. Cette contestation passe par la libération du corps. Avec sa petite...
  • MUROBUSHI KŌ (1947-2015)

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    Après avoir créé en 1972, avec Maro Akaji, la troupe Dairakudakan, il règle des chorégraphies fondatrices du butō pour Ariadone, la compagnie d’Ikeda Carlotta (qui avait collaboré avec Dairakudakan) et composée uniquement de danseuses. Puis, en 1976, il fonde Sebi, une troupe exclusivement masculine....