BYZANCE, 330-1453 (exposition)
Du marbre représentant le monstre marin rejetant Jonas sur la rive à la plaque d'orfèvrerie de l'éclatant saint Michel archange et à l'icône de l'Échelle sainte de Jean Climaque, plus de trois cents objets ont exprimé, lors de l'exposition Byzance, 330-1453 (Royal Academy of Arts, Londres, 25 octobre 2008-22 mars 2009), l'intensité, la fécondité, l'intégration à la fois dans une spiritualité exigeante et dans le faste d'un empire conscient de sa place particulière, mais aussi le rayonnement, d’un art sans cesse cité mais qui reste souvent bien mal connu. Si son cheminement est parallèle à celui de l'art médiéval d'Occident, ses rythmes chronologiques n'en sont pas moins différents. Alors que l'Occident émerge au sein des Invasions barbares sur les décombres de l'Empire romain, Byzance naît sans rupture. Après que Constantin, premier empereur à adopter la religion chrétienne, eut installé une nouvelle capitale, Constantinople, en 330, sur l'emplacement de la ville de Byzance, les trois siècles qui vont suivre seront ceux d'un art qui peut être appelé aussi bien protobyzantin que paléochrétien, mais qui correspond aussi à ce qu'on nomme l'Antiquité tardive. Le groupe du monstre et de Jonas (fin iiie s., musée de Cleveland) témoigne de l'existence précoce d'un art chrétien, dont les principes artistiques s'inspirent encore directement de la tradition du classicisme gréco-romain, en accord avec une culture antique qui continue de nourrir les lectures des Pères de l'Église.
La première grande rupture est marquée par la crise iconoclaste, pendant laquelle de complexes débats théologiques avaient abouti à l'interdiction de toutes les images saintes et à leur destruction massive. Cette période débute vers 730 et ne se clôt, après un premier intermède, qu'en 843. La création artistique peut alors reprendre sur des bases d'autant plus fortes qu'elle bénéficie de l'appui des empereurs. Durant plusieurs siècles, les œuvres les plus somptueuses seront des commandes provenant de la cour impériale ou de très hauts dignitaires.
Dans leur diversité, la céramique, les arts du métal, l'orfèvrerie et les tissus révèlent cette richesse qui fait rêver les Occidentaux. De l'art religieux, les icônes constituent la production la plus connue, sous forme de petits panneaux de bois peint, dont le fond est doré ou bien couvert de plaques d'argent, et qui sont consacrés au Christ Pantocrator (« Tout-puissant »), à la Vierge à l'Enfant, aux saints. Mais on a moins souvent l'occasion de découvrir les extraordinaires icônes en micro-mosaïque, comme celle de La Transfiguration du Christ (vers 1200, musée du Louvre, Paris). La discontinuité de ces milliers de petites tesselles de pierre, analogues à celles des vastes mosaïques murales des églises, contribue à produire cet effet majeur de l'art byzantin : l'image est un reflet du monde visible, dont elle reprend les apparences. Mais le décalage entre cette fragmentation des formes et la continuité de ce que nos sens perçoivent autour de nous fait du visible un questionnement, un chemin vers l'invisible. Dans de nombreuses icônes centrées sur le buste du Christ ou d'un saint, la frontalité, le hiératisme de la pose et le refus de s'attarder aux aspects temporels de la personne mettent ces œuvres au service d'une pensée des images en accord avec les décisions sur lesquelles s'était achevée la crise iconoclaste : ce qui est vénéré ne doit pas être l'image, mais ce dont elle est l'image. Le mystère qui émane des icônes byzantines est autant le reflet de cette théologie que des choix stylistiques propres aux artistes qui leur ont donné vie.
L'icône d'orfèvrerie représentant saint Michel (xiie s.,[...]
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Écrit par
- Christian HECK : professeur émérite d’histoire de l’art à l’université de Lille
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