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CAHIER D'UN RETOUR AU PAYS NATAL, Aimé Césaire Fiche de lecture

Cahier d'un retour au pays natal est un long poème d'Aimé Césaire (1913-2008) paru dans sa première version en août 1939 à Paris dans la revue Volontés. Césaire a alors vingt-six ans. Né en Martinique, il a quitté l'île en 1931, après son baccalauréat, pour poursuivre ses études en métropole, au lycée Louis-le-Grand, où il a préparé le concours d'entrée à l'École normale supérieure (ENS), qu’il intègre en 1935. Durant ces années, l'étudiant martiniquais découvre la littérature contemporaine, fortement marquée par le surréalisme, tandis que s'affirme sa vocation poétique. Mais il se lie également avec des étudiants antillais et africains, et s'engage contre le colonialisme. Il participe ainsi à la fondation de la revue L'Étudiant noir, et forge, notamment avec Léopold Sédar Senghor et Léon Gontran Damas, le concept de « négritude », affirmation d’une fierté créatrice noire qui succède à la honte née de la domination coloniale. C'est probablement au cours de ces années 1935-1936, pendant lesquelles il traverse une crise profonde, morale et spirituelle, mais aussi identitaire et littéraire, que Césaire commence à rédiger le Cahier, qu'il ne cessera de remanier durant les dix années suivantes.

En 1943, le texte est édité pour la première fois en volume à Cuba dans une traduction en espagnol, préfacé par l’écrivain Benjamin Péret et illustré par le peintre surréaliste cubain Wifredo Lam. En 1947, paraissent à quelques mois d'intervalle deux éditions présentant des différences notables : l'une en janvier à New York chez Brentano's, en version bilingue français-anglais, l'autre en mars à Paris chez Bordas, avec la préface d'André Breton, « Martinique charmeuse de serpents. Un grand poète noir ». Le texte originel a connu entre temps de profondes transformations. Césaire y a notamment intégré une partie d'un poème dédié à André Breton publié en 1942 dans la revue Tropiques sous le titre « En guise de manifeste littéraire ». Enfin, en 1956 paraît aux éditions Présence africaine une version considérée comme définitive.

Du désespoir à la révolte

Il n'est pas aisé de résumer le Cahier. En dépit de la trame narrative, suggérée par le titre, du retour du poète sur son île, il ne s'agit pas en effet à proprement parler d'un récit dont on pourrait restituer la chronologie. Et malgré sa dimension oratoire, protestataire et militante, nous ne sommes pas non plus en présence d'un véritable discours dont il serait possible de dégager la structure argumentative, à l'instar du célèbre Discours sur le colonialisme (1950) du même auteur. Ce qui caractérise en effet formellement le Cahier, c'est d'abord un flux lyrique continu, dans lequel on peut néanmoins cerner trois grands mouvements.

Scandé par la double anaphore « Au bout du petit matin » et « Dans cette ville inerte », le texte commence par une évocation de la misère coloniale, à la fois matérielle et morale, et une dénonciation, dans le même temps, de la violence et de l'arrogance des colonisateurs comme de la passivité complice des colonisés, coupables notamment d'entretenir l'illusion paradisiaque du « rêve antillais ». C’est un long cri de colère que les souvenirs de l'enfance ne parviennent pas à apaiser.

Dans un deuxième temps, qui constitue toute la partie centrale du texte, le poète revient sur la « trahison » du départ et la déception du retour, qui débouchent pourtant sur une forme d'acceptation et, plus encore, de revendication de sa condition d'homme noir, de sa « négritude ». Le texte, dont on a souvent souligné la dimension initiatique, semble suivre la voie d'une descente aux Enfers et d'une renaissance.

Le je laisse alors peu à peu la place[...]

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