CAHOKIA
Avec sa centaine de grands monticules de terre, dont le plus imposant, Monks Mound, atteint une hauteur de 30 mètres, et une superficie totale estimée à plus de 10 kilomètres carrés, Cahokia, située près de Saint Louis, dans le sud-ouest de l'Illinois, a souvent été considéré comme une véritable ville, la plus importante des États-Unis avant l'installation des colons. De là à en faire la capitale d'un État dont l'influence aurait couvert une vaste étendue du bassin du Mississippi, il n'y a qu'un pas que beaucoup n'ont pas hésité à franchir.
Les bâtisseurs de monticules
Durant tout le xixe siècle, la querelle sur l'identité des « bâtisseurs de monticules » a fait rage aux États-Unis, dépassant le simple cadre scientifique pour atteindre de multiples composantes de la société. L'ancien président des États-Unis lui-même, Thomas Jefferson, n'est-il pas considéré comme l'un des pionniers de l'archéologie pour avoir pratiqué, sur ses terres, l'une des premières fouilles jugées scientifiques, destinées à connaître le contenu d'un monticule ? Le débat est d'importance, puisque ces milliers de tertres funéraires ou rituels, qui se répartissent des Grands Lacs à la Louisiane, se trouvent sur la route de l'Ouest, sur des terres riches et fertiles. Ils constituent un obstacle à la colonisation et à la mise en valeur du territoire. Des milliers d'entre eux disparaissent sous l'action de la charrue, voire comme ballast pour les voies ferrées.
Mais qui sont les constructeurs de ces monticules, aux formes parfois surprenantes, et aux dimensions gigantesques ? Le Great Serpent Mound, à Adena dans l'Ohio, qui représente un serpent ondulant, atteint une longueur de près de 400 mètres. D'autres alignements montrent des processions d'animaux. Parmi les chercheurs et les curieux de l'époque, le débat oppose surtout les tenants de multiples hypothèses tout aussi surprenantes les unes que les autres. On attribue ainsi les mounds aux Vikings, aux Irlandais, voire aux Toltèques mésoaméricains. En aucun cas, sauf pour une poignée d'entre eux, il ne semble possible d'envisager que les occupants présents des territoires à conquérir, les Indiens nomades, puissent avoir édifié ces monticules. Ce ne sont que des « sauvages » que l'on doit chasser, éliminer. Et pourtant, les témoignages des premiers explorateurs espagnols, comme les survivants de l'expédition d'Hernando de Soto de 1539 à 1542, attestent du rôle des monticules dans les rituels des peuples qu'ils ont dû affronter. Mais l'hypothèse d'une origine étrangère des constructeurs de ces impressionnants monuments fournit une excuse supplémentaire pour dépouiller les tribus du bassin du Mississippi : si les monticules peuvent être attribués à d'anciens peuples civilisés, a fortiori originaires de l'Ancien Monde, ces derniers tombèrent victimes des chasseurs-cueilleurs nomades. En chassant les tribus qui vivent à proximité des sites, les colons vengent en quelque sorte d'hypothétiques ancêtres, et récupèrent des territoires qui leur appartiendraient de droit. Le débat s'achève en 1894, avec l'établissement définitif par Cyrus Thomas du lien entre les populations locales et les monticules. Mais pour beaucoup, il est trop tard. Les Indiens ont été chassés ou exterminés, la plupart des monticules arasés.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Éric TALADOIRE : professeur émérite des Universités
Classification
Média
Autres références
-
PRODUCTEURS DE L'EST, Amérique du Nord
- Écrit par Patrick PLUMET
- 2 281 mots
- 3 médias
...cérémoniels se développent vers 1300 B.P. d'abord dans la basse vallée du Mississippi, puis vers le nord, où s'édifie le plus imposant des États-Unis : Cahokia. Il s'étend sur plus de mille hectares et comprenait à l'origine plus de cent tumulus regroupés autour de plusieurs places. Le plus grand, qui...