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CAJÉTAN TOMMASO DE VIO dit (1469-1534)

Le plus grand théologien catholique de la Renaissance, Tommaso de Vio, était né à Gaète (d'où le nom qu'on lui donna — Il Caietano), dans une famille noble. Il entra chez les dominicains à Naples en 1484, dans ce même couvent où furent admis, avant lui, Thomas d'Aquin et, après lui, Tommaso Campanella et Giordano Bruno. C'est d'abord dans la dispute philosophique qu'il sut s'imposer. Après des études au studium dominicain de Bologne, interrompues par la maladie, il arrive en 1491 à Padoue et s'initie aux débats entre averroïstes, scotistes et thomistes. Élève de Valentin de Pérouse, il est bachelier en 1493 ; et, alors qu'il vient d'être nommé professeur de métaphysique selon la via thomistica (la via scotica avait les mêmes privilèges à l'Université), l'objet de son premier enseignement est un commentaire du De ente et essentia de Thomas d'Aquin (1494-1495). Une fois publié (1496), l'ouvrage est déjà un ouvrage de maturité où tous les thèmes de l'œuvre à venir sont présents. L'auteur s'y propose de trancher les difficultés de la métaphysique en analysant toutes les équivocités des termes spéculatifs ; c'est ce qu'il appelle diversimode loqui. Ce classement sémantique des thèses rencontre tout de suite la question de l'analogie comme sa question essentielle, puisque l'analogie est la structure à la fois logique et ontologique qui permet de faire varier chaque concept et d'en distribuer toutes les significations.

C'est en 1498, à Pavie, qu'il rédige L'Analogie des noms et parvient au point de vue le plus élevé de sa réflexion sur les fondements de la métaphysique : « La connaissance de l'analogie des noms en vérité est si nécessaire que personne ne peut apprendre la métaphysique sans elle. » Pour parvenir à cette lucidité qui dépasse le point de vue seulement théologique des précédentes théories de l'analogie, Cajétan n'avait pas seulement commenté une grande partie des œuvres logiques aristotéliciennes (Isagogè, Catégories, Periherménéias, livre II, Seconds Analytiques), il aura affronté le grand humanisme de son temps. Dans la ligne de Pic de La Mirandole, qui l'examine lors de son doctorat en théologie (1494), Cajétan décide de restaurer le savoir des « lettres profondes » contre les grammairiens nominalistes de son temps, ces disciples de Valla, qui préféraient la pureté du style et l'image rhétorique à la technicité des concepts de la théologie.

Mais Cajétan est avant tout un dominicain et, comme tel, un prédicateur qui fait son trésor de l'œuvre de Thomas d'Aquin. D'abord au service du duc de Milan, auprès duquel il mène des études d'économie politique, puis peu à peu élevé à la tête de l'ordre dominicain, avec l'appui de l'archevêque de Naples, protecteur des dominicains, le cardinal Olivier Caraffa, il entreprend le commentaire exhaustif de la Somme théologique entre 1507 et 1522. Le philosophe padouan devient dès lors un théologien romain qui brille non par ses innovations, mais par son sens de la rationalité du dogme et de la « science sacrée », telle qu'elle fut instaurée par Thomas. Sa philosophie était un diversimode loqui ; sa théologie est un formaliter loqui, c'est-à-dire un art de considérer les objets de la Révélation, non pas selon leurs formes naturelles, mais selon la nouvelle forme et l'intelligibilité spécifiques que leur confèrent les « effets de la grâce ».

L'ensemble des formalités théologiques forment un ordre que Cajétan illustre par ces paroles tirées du livre de la Sagesse : Dieu a disposé toutes choses en douceur (suaviter). C'est cette capacité à discerner la « douceur de l'ordre » qui le désignera en 1518-1519 pour aller négocier avec Luther en Allemagne.[...]

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Écrit par

  • : agrégé de philosophie, chargé de recherche au C.N.R.S.

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