ČAKHAR ou TCHAKHAR
Principale tribu des grands khans mongols du xvie siècle, les Čakhar (ou Tchakhar ou Chakhar) sont les descendants de Gengis Khan. Au début du xviie siècle, leur souverain, le grand khan Ligdan Khan (ou Legdan Khan, ou Lingdan Khan), dont le règne se situe entre 1604 et 1634, tente de reconstituer la puissance mongole effritée par les rivalités internes. Mais il se heurte au pouvoir grandissant des Mandchous, lesquels l'écrasent en 1634 avant de s'instaurer maîtres de la Chine en 1644 sous le nom dynastique des Qing. Leur insubordination dans le nouvel empire mandchou incite leurs vainqueurs à les priver de leur noblesse gengiskhanide héréditaire et à les morceler en petites unités administrativo-territoriales sans unité politique. De sorte que les Čakhar, localisés principalement en Mongolie-Intérieure dans la région de Kalgan et de Dolōn-nōr (on en rencontre aussi, à l'heure actuelle, en petit nombre dans le nord-est de la République mongole et au Turkestan chinois, dans la région de l'Ili), ne sont pas regroupés en une confédération (čigulgan) comme les autres ethnies mongoles de la Mongolie-Intérieure. Après quelques remaniements, on les trouve, à l'époque Qing et dans les premières années de la République, répartis en huit bannières (qošigun) et quatre süreg (littéralement « troupeaux ») qui sont des zones de pâturages réservées aux troupeaux impériaux et gardées par des fragments déterminés de la population. C'est un système propre à la région čakhar, placé sous l'autorité d'amban, fonctionnaires mongols nommés par la cour sino-mandchoue et responsables devant un gouverneur mandchou (dutong). À partir de 1928, le pays čakhar est incorporé avec d'autres régions mongoles et plusieurs sous-préfectures chinoises (xian) dans une province unique, de type chinois, qui prend le nom de Čakhar. La capitale en est Kalgan (Zhangjiakou en chinois), vieille cité frontalière, jadis enrichie par le trafic caravanier et le commerce que les firmes américaines et européennes (principalement suédoises et anglaises) entretenaient avec les Mongols, mais ruinée par la construction des voies ferrées qui détournent d'elle les courants d'échanges : d'abord le Transsibérien, puis le Sud-Mandchourien des Japonais, enfin la ligne Pékin-Suiyuan à travers la Mongolie-Intérieure ; elle est, dans les années 1930, lorsque se prépare l'invasion japonaise à partir du Manzhouguo voisin, une ville ensommeillée. L'avance des colons chinois, encouragée par le gouvernement républicain, a réduit les régions de peuplement mongol à une étroite zone au nord de la province. Là, le nomadisme a été abandonné au profit d'une semi-sédentarisation, mais l'élevage reste l'activité de prédilection dans laquelle les Čakhar excellent ; ainsi, l'ancienne république populaire de Mongolie a fait bon usage, en leur temps, de conseils aux éleveurs, publiés par un émigré čakhar venu dans la Mongolie autonome en 1912, Buyan-čūlgan ; et la foire aux chevaux qui se tenait chaque année au mois d'août à Dolōn-nōr attirait, jusqu'à l'époque communiste, les visiteurs de très loin. En dépit de la forte influence chinoise qui s'exerce sur elle, la population mongole de la province du Čakhar (formée, outre les Čakhar proprement dits, de diverses ethnies) est restée, le plus longtemps possible, fidèle à ses coutumes et à un idéal d'indépendance. Il est caractéristique que le leader nationaliste, le prince De (ou Dewang, 1902 env.-env. 1959, prince des Sunid occidentaux), en soit issu et que ce soit à Kalgan qu'il fonde le Mengjiang, prétendu État autonome mongol sous protectorat japonais.
En 1950, Kalgan devient la capitale de la région autonome de Mongolie-Intérieure, jusqu'en 1952, date à laquelle celle-ci est transférée à son siège[...]
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Écrit par
- Françoise AUBIN : directeur de recherche au C.N.R.S. et à la Fondation nationale des sciences politiques (C.E.R.I)
Classification
Autres références
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