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Arithmétique des lois de probabilités

On désigne par l'expression arithmétique des lois de probabilités un ensemble de recherches et de résultats à l'origine desquels on relève principalement les noms de P.  Lévy, H. Cramer et Yu. Linnik. Les questions traitées tournent autour du problème suivant : X étant une variable aléatoire, peut-elle être décomposée comme une somme de deux variables aléatoires indépendantes X1 et X2 ? Il va de soi que cette décomposition est toujours possible si X1 ou X2 est une variable aléatoire certaine ; on se placera donc toujours en dehors de ce cas trivial.

Il convient tout d'abord de faire une remarque sur les lois définies dans le chapitre précédent. Si X1 et X2 sont toutes deux des variables de Laplace-Gauss, ou de Poisson, ou de Cauchy, et si elles sont indépendantes, leur somme est aussi respectivement de Laplace-Gauss, ou de Poisson, ou de Cauchy : c'est une conséquence de la forme des fonctions caractéristiques. Dans le cas de Laplace-Gauss, la fonction caractéristique de la somme sera de la forme :

fonction caractéristique d'une loi de Laplace-Gauss ayant pour vecteur moyen la somme des vecteurs moyens et pour matrice de covariance la somme des matrices de covariance ; dans le cas de Poisson, la fonction caractéristique de la somme sera :
fonction caractéristique d'une loi de Poisson ayant pour paramètre la somme des paramètres des lois composantes. Dans le cas de Cauchy enfin, la fonction caractéristique de la somme sera exp {− 2|u|}, qui est la fonction caractéristique d'une loi de Cauchy à un changement d'échelle près. Il est remarquable que la réciproque de deux de ces résultats soit vraie : si X1 + X2 est une variable de Laplace-Gauss (resp. variable de Poisson) et si X1 et X2 sont indépendantes, X1 et X2 sont des variables de Laplace-Gauss (resp. variables de Poisson).

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Ce théorème, simple dans son énoncé, avait été pressenti dès 1934 par P. Lévy qui avait indiqué certaines de ses conséquences. Il fut démontré par H. Cramer, en 1936, pour la loi de Laplace-Gauss et par D. Raikov, en 1937, pour la loi de Poisson. Le principe de la démonstration est le suivant : l'égalité X = X1 + X2, avec X1 et X2 indépendantes, entraîne l'égalité ϕX(u) = ϕX1(u) ϕX2(u) ; il s'agit donc de décomposer une fonction caractéristique de Laplace-Gauss (ou de Poisson) en un produit de deux fonctions caractéristiques, aucune de ces deux fonctions n'étant la fonction caractéristique d'une variable certaine. En utilisant des résultats de E. Picard, de É. Borel, de J. Hadamard et de S. Bernstein, on montre que cette décomposition en produit n'est possible que si X1 et X2 sont du même type que la variable initiale.

On a pu aller plus loin dans ces théorèmes de décomposition en produits de fonctions caractéristiques. Posons :

avec α1 > 0, α2 > 0. Yu. Linnik a établi que, si ϕX(u) est fonction caractéristique de Laplace-Gauss, il en est de même de ϕX1(u) et de ϕX2(u), et D. Dugué a montré le même résultat en remplaçant la loi de Laplace-Gauss par celle de Poisson. Enfin, Yu. Linnik a donné le théorème suivant qui regroupe tous ces résultats : dans l'égalité ci-dessus, si ϕX(u) est un produit d'une fonction caractéristique de Laplace-Gauss par une fonction caractéristique de Poisson, il en est de même pour ϕX1(u) et ϕX2(u).

Ces résultats d'une grande élégance ne peuvent être étendus à la loi de Cauchy : on connaît des exemples où :

sans que ϕX1 et ϕX2 soient de cette forme.

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Ces théorèmes amorcent les recherches de décomposition : ce sont (tout au moins pour les lois de Laplace-Gauss et de Poisson) des théorèmes d'unicité. On a mis en évidence des cas d'impossibilité : il est facile d'établir qu'une variable de Bernoulli ne peut être décomposée de cette façon. Un problème particulièrement intéressant est celui des lois indéfiniment divisibles, qui a été posé et résolu par P. Lévy : trouver toutes les fonctions caractéristiques ϕ(u) telles que [ϕ(u)]α soit également fonction caractéristique quel que soit α > 0. La variable aléatoire dont ϕ(u) est fonction caractéristique pourra alors être considérée comme une somme de variables aléatoires indépendantes « arbitrairement petites », c'est-à-dire s'écartant arbitrairement peu d'une variable certaine. Ces lois indéfiniment divisibles ont une grande importance dans l'étude des fonctions aléatoires (cf. processus stochastiques). Pour qu'une variable aléatoire soit indéfiniment divisible, il est nécessaire et suffisant que le logarithme de sa fonction caractéristique soit de la forme :

m est un nombre réel, λ positif ou nul, f étant non décroissante de − ∞ à 0 et de 0 à + ∞ (nulle pour x = ± ∞) et telle que l'intégrale ∫x2 df (x) soit finie sur tout intervalle fini. Dans ces conditions, la représentation de la fonction caractéristique d'une loi indéfiniment divisible est unique. Si f (x) = 0, on retrouve la loi de Laplace-Gauss unidimensionnelle. Si λ = 0 et si f (x) est constant, sauf pour x = 1 où f (x) a un saut égal à k, avec m = k/2, on retrouve la loi de Poisson de paramètre k. D'une manière générale, une variable aléatoire indéfiniment divisible est la somme d'une variable certaine, d'une variable de Laplace-Gauss et d'une infinité de variables de Poisson infiniment petites, chacune de ces variables prenant l'ensemble des valeurs 0, x, 2 x, ..., nx, ..., − ∞ < x < + ∞, toutes ces variables étant indépendantes entre elles.

Les deux lois de Laplace-Gauss et de Poisson jouent donc un rôle fondamental dans la théorie des lois indéfiniment divisibles. On voit aisément que la loi de Cauchy est l'une de ces lois. Comme la loi de Laplace-Gauss, elle fait partie d'un sous-ensemble de l'ensemble des lois indéfiniment divisibles auxquelles Lévy a donné le nom de lois stables. Ce sont les lois telles que, X1 et X2 étant deux variables indépendantes dépendant de cette loi et C1 et C2 étant deux constantes positives quelconques, on ait :

où C est une constante positive fonction de C1 et C2 et où X est une variable dépendant de la même loi. Pour ces lois, la fonction caractéristique est de la forme :
avec :

Une loi semi stable est telle que sa fonction caractéristique satisfasse à l'équation fonctionnelle :

dans ce cas, le logarithme de la fonction caractéristique a pour expression :
xf1(x) et xf2(x) sont des fonctions périodiques de ln x, la seconde ayant une valeur moyenne nulle et où f1(x) + f2(x) et f1(x) − f2(x) sont non décroissantes.

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Une loi quasi stable est telle que, si X1 et X2 sont des variables indépendantes obéissant à cette loi et si C1 et C2 sont des constantes, on ait :

avec X obéissant à la même loi et où C et D sont des constantes. Si C = C1 + C2, le logarithme de la fonction caractéristique est :
avec c > 0 et |β|≤ 1. Si C ≠ C1 + C2, la loi quasi stable la plus générale s'obtient en ajoutant une variable certaine à une variable aléatoire dépendant d'une loi stable. P. Lévy a également proposé le théorème suivant qui répond à une question posée par Khintchine : Pour qu'une loi puisse être limite de lois de variables aléatoires Snn, où Sn est la n-ième somme d'une série à termes aléatoires indépendants et λn une suite de nombres certains tendant vers l'infini avec limλn+1n = 1, il est nécessaire et suffisant que cette loi soit indéfiniment divisible avec, dans la représentation (1) donnée ci-dessus, f (x) pour x < 0 et − f (x) pour x > 0, fonctions convexes de ln|x|.

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Écrit par

  • : directeur de l'Institut statistique de l'université de Paris-VI

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