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CALCUL INFINITÉSIMAL Histoire

Vers le renouveau

Redécouverte d'Archimède

Dans une perspective voisine, au xve siècle, le philosophe Nicolas de Cues mérite d'être mentionné, ne serait-ce que pour son influence lointaine sur Kepler, pour ses réflexions sur le principe de continuité et son affirmation de l'identité du cercle avec un polygone à un nombre infini de côtés. En fait, les œuvres d'Archimède et de ses disciples arabes, qu'ignorent les scolastiques, étaient disponibles, car, pour la plupart, elles avaient été traduites en latin dès le xiie ou le xiiie siècle. Mais les temps n'étaient pas mûrs, car la compréhension d'Archimède supposait l'acquisition préalable d'une culture mathématique dont le niveau ne sera progressivement atteint qu'à partir du xvie siècle. C'est, du reste, à ce moment que, diffusées plus largement par l'imprimerie, les œuvres du grand Syracusain commencèrent à être l'objet d'études et de réflexions plus approfondies. C'est en Italie, pays en nette avance quant à la connaissance des œuvres classiques, que, dans la seconde moitié du xvie siècle, se manifeste un éclatant renouveau des recherches de statique, inspiré par l'œuvre archimédienne, en réaction contre le courant, influencé par Aristote, qui avait prévalu jusque-là en Occident. Dès 1565, dans son Liber de centro gravitatis solidorum, Federigo Commandino, qui venait de publier des traductions latines de la plupart des œuvres d'Archimède, s'efforça, le premier en Occident, d'étendre les déterminations archimédiennes de centres de gravité, en utilisant les longues et délicates procédures liées à l'emploi de la méthode d'exhaustion. Ce même effort, orienté vers une assimilation et une extension des travaux d'Archimède dans le domaine de la statique, sera poursuivi par d'autres représentants de l'école italienne tels Maurolico (1575), Guido Ubaldo del Monte (1577), G. B. Benedetti (1585), et aussi dans l'œuvre plus originale et plus puissante de l'ingénieur Simon Stevin (1586) qui n'hésite pas à abandonner la lourde rigueur de la démonstration par l'absurde au profit d'une méthode plus intuitive, certes, mais aussi beaucoup plus aisément assimilable. Cette initiative audacieuse prélude à un renouveau des mathématiques infinitésimales. L'abandon provisoire d'une exigence de rigueur démesurée par rapport aux possibilités des mathématiciens de l'époque devait non seulement simplifier considérablement la présentation de la mécanique par Stevin, mais aussi rouvrir les voies de la découverte dans le domaine infinitésimal, pratiquement stérilisé depuis Archimède. Ainsi, malgré la similitude de l'intérêt qu'ils portent à la statique, Archimède et Stevin ont-ils des méthodes de démonstration qui contrastent de façon éclatante dans leurs conceptions de la rigueur et de l'efficacité. Cette situation illustre à la fois l'abîme qui sépare encore les mathématiques européennes de la fin du xvie siècle de leur modèle antique et l'influence féconde qu'aura l'esprit concret et audacieux de certains des animateurs de cette révolution scientifique qui s'annonce alors en Occident. L'œuvre de Stevin marque une étape importante vers la mise en lumière du concept de limite et vers l'abandon progressif du support géométrique auquel les méthodes infinitésimales se trouvaient jusqu'alors obligatoirement liées. S'il est difficile d'apprécier l'influence de l'œuvre de Stevin en ce domaine, les nombreuses éditions que connurent ses œuvres de statique, aussi bien en flamand qu'en latin et en français, permettent de supposer qu'elle fut considérable. Mais d'autres efforts, presque contemporains, convergent dans la même voie.

C'est ainsi que,[...]

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