NUMÉRIQUE CALCUL
Dans l'enseignement des mathématiques en France, le calcul numérique apparaît le plus souvent comme une simple application des théories. Au contraire, l'histoire des mathématiques montre, comme on va le voir, qu'il y a interaction constante entre les progrès du calcul et l'approfondissement des concepts mathématiques. Cependant, l'intérêt pour les problèmes numériques est d'importance variable suivant les époques. L'école platonicienne (Platon, Eudoxe, Euclide...) distingue nettement l'arithmétique, laquelle fait partie des mathématiques, du calcul numérique (appelé logistique), considéré comme science pratique. Une évolution importante apparaît avec l'école d' Alexandrie (Archimède, Héron...), en relation avec les progrès de la géographie et de l'astronomie : les mathématiciens sont alors amenés à combiner les méthodes grecques et les méthodes babyloniennes. C'est encore l'astronomie qui favorise le développement de l'algèbre et du calcul numérique dans l'école arabe au Moyen Âge.
En Occident, il convient de distinguer plusieurs périodes. De 1500 à 1650, le développement du calcul numérique est lié aux problèmes posés par les échanges commerciaux, la navigation et l'astronomie (Stevin, Viète, Napier, Briggs, Kepler, Nicaulos Mercator, Descartes, Wallis, Gregory). De 1650 à 1800, les progrès des sciences physiques, du calcul des probabilités et des statistiques sont à la source de nombreux travaux, aussi bien en Grande-Bretagne (Newton, Maclaurin, Stirling...) que sur le continent (Euler, Lagrange, Laplace, Gauss...). Au début du xixe siècle, l'école française (Fourier, Poisson, Ampère, Cauchy...) élabore les éléments de la physique mathématique, laquelle pose de nouveaux problèmes numériques. Au cours du xixe siècle, ces travaux seront approfondis notamment par Jacobi, Tchebychev et Hermite. Toutefois, de nombreuses questions ne peuvent alors être résolues, par manque de moyens de calcul : ce qui peut expliquer un certain déclin de l'intérêt pour les questions numériques à la fin du xixe siècle, et ce jusqu'en 1940. Les développements de la recherche opérationnelle d'une part, de la physique nucléaire d'autre part, eux-mêmes liés à l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, ont abouti à la création des ordinateurs ; ceux-ci ont, en retour, complètement bouleversé les conceptions concernant le calcul numérique. Depuis cette époque, de très nombreux travaux sont consacrés à l'analyse numérique et à l'informatique, au service des problèmes scientifiques et techniques. Les moyens de calcul ont ensuite envahi la gestion à tous les niveaux. Grâce à l'apparition des calculatrices de poche vers 1970, bon nombre de ces moyens de calcul ont été mis à la disposition des individus, y compris pour les problèmes posés par la vie courante, reléguant au grenier de l'histoire tables de logarithmes et autres règles à calcul. Il convient de souligner le rôle ambigu des progrès en ces matières : les tables et les règles ont eu des effets positifs pendant une longue période, mais elles ont fini par être des obstacles à la recherche de moyens de calcul plus puissants et plus rapides.
Il est à noter que l'influence de cette révolution sur l'enseignement français a connu quelques lenteurs : l'analyse numérique et l'informatique ont été introduites dans les cursus des écoles d'ingénieurs et les universités vers 1960. L'emploi des calculatrices de poche est mis en vigueur dans les classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques en 1978 ; il a été ensuite étendu pour tous les examens.
Enfin, à toutes les époques, le calcul numérique a permis de formuler des conjectures dans des secteurs mathématiques très variés. Les travaux sur la répartition des nombres premiers de[...]
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Écrit par
- Jean-Louis OVAERT : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur de mathématiques spéciales
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