NUMÉRIQUE CALCUL
Développements asymptotiques
Dès la fin du xviie siècle se pose le problème de l'évaluation des restes des séries convergentes et des sommes partielles des séries divergentes. Le premier cas se présente lors du calcul des sommes de séries convergeant lentement, telles que les séries de termes généraux 1/n2 et 1/n3. Le second cas apparaît à propos de l'étude de la série harmonique de terme général 1/n et du calcul des probabilités, lequel nécessite l'emploi de grands nombres, notamment n ! et Cpn.
Newton, Jean Bernoulli et Stirling (1692-1770) résolvent ces problèmes sur des exemples. Euler en 1732 et Maclaurin en 1742, indépendamment, étudient le cas général. Un exposé synthétique, suivi de nombreuses applications, est donné par Euler dans les Institutiones calculi differentialis (1755). Bien entendu, la convergence des processus mis en jeu est traitée de manière expérimentale. Jacobi (1804-1851) et Cauchy établissent des majorations du reste de la formule d' Euler-Maclaurin. D'autres applications de cette formule sont dues à Abel (1802-1829), Gauss (1777-1855), Tchebychev (1821-1894) et Hermite (1822-1901).
Pour les séries convergentes, on obtient le résultat suivant : soit f une fonction indéfiniment dérivable sur [1, +∞[ à valeurs complexes, intégrable sur cet intervalle ainsi que ses dérivées jusqu'à l'ordre 2 r + 1. Si, en outre, chacune de ces dérivées est négligeable devant la précédente, la série de terme général f (n) converge, et
où les nombres βn sont les nombres de Bernoulli, définis par la relation :En particulier, β0 = 1, β1 = − 1/2, β2p+1 = 0 si p ≥ 1, β2 = 1/6, β4=−1/30, β6 = 1/42, β8 = − 1/30, β10 = 5/66.
Euler détermine ainsi la somme de la série de terme général 1/n3 à la précision 10-10, en calculant seulement la somme des douze premiers termes et en évaluant le reste par la formule sommatoire. Une méthode directe aurait nécessité le calcul de plus de soixante-dix mille termes.
Pour les séries divergentes, le résultat est analogue : on suppose que f et ses dérivées jusqu'à l'ordre 2 h − 1 ne sont pas intégrables, tandis que les dérivées de l'ordre 2 h à l'ordre 2 r + 1 le sont. Si, en outre, chacune de ces dérivées est négligeable devant la précédente, la série de terme général f (n) diverge, et il existe un nombre complexe c tel que :
En appliquant cette formule à la série harmonique, Euler obtient la relation :
Il en déduit facilement γ avec quinze décimales :
Une méthode directe, consistant à calculer :
nécessiterait le calcul de 5 × 1014 termes.De même, en appliquant la formule sommatoire à la série de terme général log n, on obtient la formule de Stirling :
Euler obtient plus généralement un développement asymptotique de log Γ(x).
La notion de développement asymptotique n'a pas été clarifiée avant la fin du xixe siècle. Une confusion a eu lieu entre développements asymptotiques et développements en série. Poincaré (1854-1912) et Borel (1871-1956) codifièrent l'emploi des premiers. On trouve un exposé synthétique dans les Leçons sur les séries divergentes (1901) de Borel.
Notons enfin que le calcul numérique a joué un rôle important dans l'obtention de développements asymptotiques pour les fonctions arithmétiques, et en particulier dans l'évaluation du nombre π(n) de nombres premiers inférieurs à n. Ainsi, Legendre a conjecturé que π(n) est de l'ordre de :
Gauss a amélioré cette hypothèse, en comparant expérimentalement π(n) au logarithme intégral de n, défini par la relation :Par une méthode très performante de calcul approché des intégrales, à laquelle son nom est resté attaché, il obtient la relation :
Il compare ensuite ce nombre à π(2 × 105) − π(105). Ces conjectures ont été à l'origine[...]
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Écrit par
- Jean-Louis OVAERT : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur de mathématiques spéciales
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