CALLIGRAMMES, Guillaume Apollinaire Fiche de lecture
Calligrammes, publié en avril 1918 au Mercure de France, est, après Alcools (1913), le second grand recueil de poésie de Guillaume Apollinaire (1880-1918). Celui-ci est alors une figure de l'avant-garde artistique française : critique d'art familier des peintres « modernes », auxquels il a été l'un des premiers à s'intéresser (Les Peintres cubistes, méditations esthétiques, 1913), il s'est également fait connaître du milieu littéraire par ses contributions à diverses revues (La Revue blanche, Les Soirées de Paris) et surtout son recueil poétique Alcools (1913). Il est devenu depuis une référence pour les jeunes poètes dadaïstes puis surréalistes, terme qu'il aurait d'ailleurs lui-même forgé en 1917 pour sa pièce Les Mamelles de Tirésias (« drame surréaliste en deux actes et un prologue »).
Le sous-titre de Calligrammes, « Poèmes de la paix et de la guerre (1913-1916) », suggère que les textes qui le composent ont été écrits avant la blessure et la trépanation de l'auteur, en 1916, même si, en réalité, les trois derniers leur seraient postérieurs. Son élaboration a été longue, l'auteur hésitant entre plusieurs compositions et y retravaillant sans cesse jusqu'à la parution du volume quelques mois avant sa mort de la grippe espagnole, le 9 novembre. Si l’édition originale du Mercure de France était conforme à ses instructions, il n’en a pas été de même de nombreuses éditions ultérieures, les formats et la disposition des textes sur la page n’étant pas toujours respectés, loin de là. Il est vrai qu’à plus d’un titre, le livre opérait une véritable révolution non seulement littéraire mais aussi typographique et éditoriale.
« Poèmes de la paix et de la guerre »
Les quatre-vingt-quatre poèmes qui composent le recueil se répartissent en six sections : « Ondes », « Étendards », « Case d’Armons », « Lueurs des tirs », « Obus couleur de lune », et « La tête étoilée ». La première contient les « poèmes de la paix », à deux exceptions près : « Les collines » et « Il pleut », écrits ultérieurement. Les calligrammes, comme « Paysage », « Lettre-Océan » ou « Cœur couronne et miroir », y côtoient des textes de facture plus « classique », si un tel qualificatif peut s’appliquer à la poésie d’Apollinaire. Cette partie s’inscrit dans la continuité d’Alcools, dont elle reprend les principales thématiques – le temps qui passe, l’amour malheureux, la poésie comme quête mystique –, dans un mélange caractéristique de simplicité et d’érudition, de lyrisme et de trivialité, de fidélité à une certaine tradition (strophes et vers réguliers des « Collines ») et d’innovations formelles (le calligramme bien sûr, mais aussi le poème-conversation, comme « Lundi rue Christine »).
À partir d’« Étendards », au titre significatif, on entre dans les « poèmes de la guerre », à laquelle Apollinaire prend part activement : engagé volontaire dès 1914, il est envoyé sur le front de Champagne en avril 1915 et participe aux combats jusqu’à sa blessure à la tête d’un éclat d’obus en mars 1916. Les cinq sections se succèdent ici globalement selon un ordre chronologique. Les textes d’« Étendards » se situent entre la déclaration de guerre et le départ au front. Durant cette période transitoire (les formalités d’incorporation traînent en longueur), l’auteur séjourne à Nice, où il fait la connaissance d’une jeune femme, Louise de Coligny-Châtillon (surnommée Lou) avec laquelle il va vivre un amour bref et intense, dont on trouve ici de nombreux échos (« La mandoline l’œillet et le bambou », « Fumées »). Finalement incorporé à Nîmes (« À Nîmes »), il est bientôt envoyé au front (« 2e canonnier conducteur »).[...]
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Écrit par
- Guy BELZANE : professeur agrégé de lettres
Classification
Autres références
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APOLLINAIRE GUILLAUME (1880-1918)
- Écrit par Michel DECAUDIN
- 4 277 mots
- 2 médias
...l'émerveillement devant le spectacle de la guerre vu de la batterie ou de l'échelon d'artillerie (qui se manifeste dans une plaquette polycopiée à vingt-cinq exemplaires, puisreprise dans Calligrammes : « Case d'Armons ») fait suite la dure expérience du fantassin dans les tranchées de Champagne. -
LITTÉRATURE FRANÇAISE DU XXe SIÈCLE
- Écrit par Dominique RABATÉ
- 7 278 mots
- 13 médias
...question, comme dans la peinture, les conditions mêmes de la représentation. En poésie, c’est l’élargissement spatial de la page qui marque la modernité des Calligrammes (1918) d’Apollinaire. Commence une longue collaboration entre peintres et poètes, notamment celle de Pierre Reverdy (188-1960) avec Picasso...