CALLOWAY CABELL dit CAB (1907-1994)
“Hi-de-hi-de-ho”, et la foule reprend en écho cet éclat de rire contagieux. Sur scène, devant une formation électrisée, virevolte, toutes dents dehors, un être insolite, à la fois danseur, comédien, chanteur et chef d'orchestre. Une grande vedette populaire, certes. Mais derrière le burlesque et les extravagances, Cab Calloway se révèle un parfait musicien, indispensable chaînon reliant le triomphe du swing à l'affirmation du bop.
Cabell Calloway III naît le 25 décembre 1907 à Rochester (État de New York). Dès son enfance à Baltimore puis à Chicago, il montre des dons multiples et éclatants. L'instrumentiste (batterie et saxophone) reste modeste, mais l'animateur — parfois en compagnie de sa sœur Blanche — est exceptionnel. En 1923, il participe à la revue Hot Chocolates d'Irving Mills. Il appartient aux Marion Hardy's Abamians de New York (1928), se produit au Savoy de Harlem (1929) et prend la direction des Missourians à Chicago, en 1930. C'est cette année que Cab Calloway est engagé avec la même formation au Cotton Club, à New York, pour prendre la suite de... Duke Ellington. Il s'impose alors comme une vedette internationale avec des succès comme Smoky Joe et Minnie the Moocher. Ses premières tournées en Europe datent de 1934. Son influence sera considérable sur la France de l'avant-guerre. Une grande partie de la jeunesse lui empruntera ses longues vestes et fera de l'une de ses fantasques onomatopées (zah-zuh-zah) le surnom d'une génération qui découvre le swing : les zazous.
Ce grand orchestre, qu'il conservera jusqu'en 1948, rassemble d'excellents musiciens où ne rougiront pas de se mêler Dizzy Gillespie, Doc Cheatham (trompette), Ben Webster, Chu Berry (saxophone), Benny Payne (piano), Danny Barker (guitare) et Cozy Cole (batterie). Les chanteuses Pearl Bailey et Lena Horne lui doivent le lancement de leur carrière. Au début des années 1950, il se produit en sextette avec The Cabaliers, joue le rôle de Sportin' Life dans Porgy and Bess (1952-1954), tient la vedette dans la comédie musicale Hello Dolly et anime le show des Harlem Globe Trotters. Mais la passion du grand orchestre le reprend en 1966. Clubs et festivals — notamment en France en 1977, 1987 et 1988 — retrouvent l'irrésistible allant de celui qui est bien mieux qu'un amuseur. Il écrit ses Mémoires, Of Minnie the Moocher and Me, en collaboration avec Bryant Rollins (Crowell, New York, 1976). Après de nombreux autres — The Big Broadcast (1932, Frank Tuttle), International House (1933, Edward Sutherland), The Singing Kid (1936, William Keghley), Stormy Weather (1943, Andrew Stone), Sensations of 1945 (1944, Andrew Stone) —, il apparaît dans un dernier film : Blues Brothers (1980, John Landis). Bill Clinton lui remet, en même temps qu'à Ray Charles, la médaille des Arts de la Maison-Blanche (1993). Une congestion cérébrale met fin — le 18 novembre 1994 à Hosckessin (Delaware) — aux hi-de-ho et autres réjouissants zah-zuh-zah, ainsi qu'à une insolente jeunesse que l'âge ne parvenait pas à assombrir.
L'art de Cab Calloway puise sa force au cœur même de l'esthétique swing. Soutien rythmique inébranlable, riffs fulgurants, explosions cuivrées construisent une musique exubérante et tonique et placent son orchestre au tout premier rang des formations de qualité de cette époque. Les audaces du vocaliste et la folie de son scat annoncent en revanche les orages à venir. Cab Calloway y pulvérise la mélodie et, derrière la jovialité du délire, fait exploser les limites du middle jazz. Charlie Parker et Dizzy Gillespie sauront se souvenir de ses échappées vers leur nouveau monde.
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Médias